08/05/2014
L'esclavage autrefois : éléments historiques pour informer ceux qui croient devoir minimiser l'injustifiable
Urbain VIII, l'un des papes qui ont combattu l'esclavage. Des jésuites furent lynchés par les colons au Brésil pour avoir diffusé sa bulle Commissum nobis.
Imaginer que l'esclavagisme occidental n'a pas été une chose grave, est une erreur relativiste. La preuve : les condamnations multipliées par l'Eglise catholique... Ici les faits :
Lorsque les Espagnols colonisent les Canaries en 1430, le pape Eugène IV édicte la bulle Sicut Dudum excommuniant (dans les quinze jours de la réception) les colons qui manqueraient à « libérer toute personne de l'un ou l'autre sexe résidant aux dites îles Canaries » : ces indigènes, déclare le pape, « doivent être totalement et perpétuellement libres sans exaction ou demande de quelque argent que ce soit ». Les colons feront la sourde oreille, en dépit des bulles de Pie II (1458-1464) et Sixte IV (1471-1484) qui réitèreront la condamnation des esclavagistes…
La conquête du Nouveau Monde par les Ibériques au XVIe siècle entraîne la mise en esclavage de communautés amérindiennes, puis l'importation d'esclaves noirs. Certains raisonneurs catholiques tentent d'affirmer que ce traitement n'est pas contraire à la foi parce que les Amérindiens et/ou les Africains n'auraient pas droit à la liberté des créatures raisonnables. Loin d'approuver cette théorie, Paul III (pape de 1534 à 1549) qualifie ses auteurs d'alliés de Satan, et édicte la bulle Sublimis Deus qui condamne tout esclavage :
« L'Ennemi de la race humaine [Satan] a établi un moyen pour empêcher la parole salvatrice de Dieu d’être annoncée aux nations. Il a remué le monde de ses alliés qui, désirant satisfaire leur propre avarice, osent affirmer que les Indiens de l'Ouest et du Sud qui sont venus à notre connaissance en ces périodes puissent être réduits à notre service comme des animaux brutaux, sous le prétexte qu'ils ne connaissent pas la foi catholique. Et ils les réduisent ainsi à l'esclavage, les traitant par des afflictions qu'ils emploieraient à peine avec les animaux... Par conséquent, Nous, considérant que les Indiens sont en effet des hommes vrais, décrétons et déclarons en décret d'autorité apostolique, par ces lettres présentes, que ces mêmes Indiens et tous autres peuples, même s’il sont en dehors de la foi, ne doivent pas être privés de leur liberté ou de leurs autres possessions ni être réduits en esclavage, ou à ce qui en résulte. Et que tout ce qui serait fait en contradiction de cette bulle, soit proclamé nul et non avenu. »
Devant la surdité des colons, Paul III fulmine une seconde bulle : il excommunie - et cela quelles que soient « sa dignité, sa condition ou sa fonction » - quiconque « prétend réduire les dits Indiens à l'esclavage ou les dépouiller de leurs biens ».
Les menaces papales restent sans effet. Néanmoins les papes continuent le combat avec une constance opiniâtre. Contre les transports d'Africains vers l'Amérique, Urbain VIII (pape de 1623 à 1644) édicte en avril 1639 la bulle Commissum Nobis confirmant l'excommunication des esclavagistes. Dans le Nouveau Monde, les décrets du pape ne peuvent être publiés sans le consentement de l'autorité politique, qui fait le tri ; les évêques sont désignés par les rois ; Rome n'a pleine autorité que sur les ordres religieux, et charge ceux-ci de faire connaître la bulle au public. Mais quand les jésuites de Rio de Janeiro entreprennent de lire la bulle aux étudiants de leur université, ils sont attaqués, frappés et réduits au silence par des sbires. Même chose (pour la même raison) au port brésilien de Santos, où le vicaire général jésuite est lynché ; et à São Paulo, d'où les jésuites sont expulsés à cause de la bulle.
La papauté ne se décourage pas pour autant. En 1686, l'Inquisition romaine publiera un document normatif de référence, qui proclamera notamment :
« - Est-il licite de capturer par la force ou la duperie des Noirs ou autres indigènes qui n'ont porté préjudice à personne ? La réponse est non.
- Est-il licite d’acheter, vendre ou faire objets de contrats des Noirs ou autres indigènes capturés par la force ou la duperie ? La réponse est non.
- Les propriétaires de Noirs et autres indigènes capturés par la force ou la duperie, doivent-ils les remettre en liberté ? La réponse est oui. »
De cet infructueux combat de l'autorité spirituelle contre une pratique menée par des nations officiellement chrétiennes, une leçon se dégage : le label catholique en politique ne garantit rien, et l'ancienne Europe fut moins chrétienne que les passéistes ne veulent le croire. On ne s'étonne pas d'en retrouver parmi la claque de Mariani sur Twitter.
19:35 | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : esclavage, histoire
Commentaires
JEAN VIII
> Vous avez raison de rappeler cela, vous auriez même pu commencer avec Jean VIII, qui réclame la fin de l'esclavage aux princes de Sardaigne en... 873 !
Cependant, pour être complet, il faut aussi traiter le cas gênant de la bulle 'Romanus Pontifex', fulminée en 1454 par Nicolas V, qui dit apparemment le contraire...
La doxa habituelle, anticatholique, sur le catholicisme et l'esclavage ne cite que cette bulle, contraire à l'enseignement constant par ailleurs de l'Église. Mais souvent les études catholiques sur la question passent sous silence ladite bulle, au profit de toutes les autres.
Du coup il manque quelque chose...
J'ai cherché et n'ai jamais trouvé d'étude sérieuse sur la question, qui expliquât comment il est possible que Nicolas V ait ainsi contredit ce que ses prédécesseurs, et ses successeurs immédiats, ont prêché (mais il y a aussi le texte de 1866 de Pie IX).
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Écrit par : Olivier / | 08/05/2014
DU P. ROBERT CULAT
> Merci pour ces informations. Malheureusement l'esclavage des Indiens a commencé avec Colomb lui-même, c'est-à-dire dès le départ, pour l'exploitation des mines d'or en Haïti.
Robert Culat
[ PP à RC - Exactement, Père : ces hommes sortis de la chrétienté se sont comportés comme des prédateurs, ce qui jette une ombre inquiétante sur ce passé. D'où la grande repentance de Jean-Paul II à Gorée...
Mais ne parlons pas de repentance aux petits messieurs de droite, même cathos : nous les irriterions. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Robert Culat / | 08/05/2014
LE PAPE ET EUX
> Excellent rappel historique. Il montre que rien n'a changé: le pape dit des paroles fortes que les dirigeants et homme d'affaires ne veulent pas écouter.
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Écrit par : Ludovic / | 08/05/2014
> Bel effet d'écran d'une hiérarchie servile à l'égard des pouvoirs.
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Écrit par : Pierre Huet / | 08/05/2014
@ PP
> Si, dans une partie du milieu "catho" français, la repentance agace, cela est peut-être dû à l'exemple (je dirais à l'exemple "insolent") de l'Islam. Lui ne doute de rien…et les résultats sont là. Il avance, inexorablement et (au moins en Occident…) pacifiquement. Quand, dans le RER, je vois une jeune femme au teint laiteux, dont je devine les cheveux blonds comme les blés, habillée comme si elle habitait à Riyadh et plongée dans la lecture du "Saint Coran", je me dis que la Nouvelle Evangélisation doit vraiment passer au régime supérieur. Et j'ai du mal à me regarder dans une glace…
ps : la FM non plus n'a jamais fait repentance. Sa réputation est sans tache depuis les origines, c'est bien connu…bon, ce soir, je suis d'humeur (très) maussade.
Feld
[ PP à Feld :
- S'il y a une catégorie de gens qui ne devraient pas refuser l'idée de repentance (et de repentance même sur un passé lointain !), ce sont justement les catholiques.
Le pape Jean-Paul II a donné un exemple éclatant de repentance historique en 2000.
Pourquoi des catholiques refoulent-ils ce souvenir ?
Pour pouvoir se montrer aussi "décomplexés" que les relativistes matérialistes de droite ? Ce dérapage incontrôlé risque de les mener dans un fossé. Ce ne sera pas faute d'avoir été prévenus.
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Écrit par : Feld / | 09/05/2014
GUIDES
> J'aimerais aller plus loin encore dans ce chemin de vérité libératrice: non seulement nous avons été monstrueux, nous catholiques blancs, mais encore ce sont des "gens de couleur" qui nous sont des guides aujourd'hui. Habités de l'Esprit Saint qui souffle où Il veut, c'est-à-dire d'abord en ces lieux que nous méprisions, ces cultures colonisées,les bas quartiers de couleurs mélangées,.... les rebuts de nos civilisations d'orgueil.
J'étais hier au cinéma pour voir avec ma fille le film "Mandela, un long chemin vers la liberté."
Une leçon magistrale de pardon chrétien. Une sainte claque, à vous (re)confirmer dans l'Esprit Saint.
Et quand on voit comment après la fin de l'Apartheid, ils ont reconstruit la paix en unissant tradition africaine de l'Ubuntu et pardon chrétien, on se ferait volontiers mendiants de leur sagesse, nous dont une partie de la brillante élite vocifère pour pousser à l'extension de nos domaines de guerre en Europe.
Toutes les scolastiques savantes autour de la légitime défense de la pureté des races -oui on m'a enseigné cela dans mon monde hyper-catho, avec argument d'autorité papale-, sur l'incapacité naturelle des Africains à se diriger eux-mêmes (d'ailleurs avant nous, et après, on retrouve les Arabes, tout de même supérieurs: oh les beaux arguments que le déterminisme historique et la preuve par le passé, bien catholiques!), tout cela apparait pour ce que c'est: sorcelleries dont nous avons à être exorcisés avant de juger les étrangers, en particuliers les Africains et leurs cultures.
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Écrit par : Anne Josnin / | 09/05/2014
COLOMB, MAUVAIS PATRON
> D'ailleurs il serait peut-être temps que "les chevaliers de Colomb" se placent sous un autre patronage plus exemplaire car ils sont une organisation catholique...
http://www.kofc.org/un/fr/about/history/index.html
Lu sur leur site:
"Ces hommes recherchent la force dans la solidarité et la sécurité par une unité de but et de dévotion envers une cause sainte: ils font voeu de défendre leur pays, leur famille et leur foi. Ces hommes sont liés par l’idéal de Christophe Colomb, l’homme qui découvrit les Amériques et qui apporta la Chrétienté au Nouveau Monde."
Robert Culat
[ PP à RC - Incapacité de la droite catho à assumer les faits historiques. qui ne vont pas dans le sens de ses mythes.. ]
réponse
Écrit par : Robert Culat / | 09/05/2014
ESCLAVAGISTES ICI ET LÀ-BAS
> Sans vouloir exonérer les occidentaux de leurs crimes, il ne faut pas oublier que l'esclavagisme fut d'abord pratiqué entre peuplades noires puis par l'islam. Les occidentaux achetaient alors, dans des comptoirs répartis sur les côtes, la "marchandise" humaine à ces intermédiaires puisque le continent africain leur était à l'époque interdit.
Je constate qu'il n'y a que l'Eglise qui a essayé de sauver ces pauvres gens ( tout en sachant qu'un esclavagiste capturé par une ethnie adverse devenait esclave). Je n'entends aucune demande de repentance de la part des musulmans, ni même des peuples africains qui se sont vendus !
Quant à la nouvelle évangélisation citée plus haut, à nous de nous convertir,de sortir du conformisme ambiant et de faire sauter tous les mensonges historiques mis en place par les athées dont le seul but était de détruire l'Eglise (Voltaire, Jules Ferry, lomothe langon, Clémence Royer...)
froissart
( PP à F. - Vous avez raison de le souligner. Ce qui implique de ne pas avoir l'air de justifier le crime contre l'humanité commis par nos ancêtres ! Un de mes arrière-arrière-cousins irlandais était planteur à Saint-Domingue, il avait nécessairement des esclaves (selon le "modèle économique" de l'époque), et je ne cherche pas d'excuses à ce modèle économique - contrairement à certains, qui se trouvent, comme par harsard, être aussi les défenseurs du modèle économique actuel !
Que des descendants de chrétiens ayant commis le crime de l'esclavage, lui cherchent des excuses en disant que des sociétés non chrétiennes l'avaient commis avant et le commettent encore aujourd'hui, est une obscénité intellectuelle et morale. C'est du relativisme pur et simple, ubuesque de la part de gens qui se posent par ailleurs en pourfendeurs du relativisme...
Donc, bravo d'y échapper. ]
réponse au commentaire
Écrit par : froissart / | 10/05/2014
@ Anne Josnin
> Alors là, vous me faites sortir de mes gonds et je vais vous répondre sur un ton que vous avez le droit de trouver dur!
"ce sont des "gens de couleur" qui nous sont des guides aujourd'hui"
Je n'ai rien contre eux, il y en a dans ma famille (je suis à 50% de "Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu", il me manque le Juif et l'Asiatique) pour lesquels j'ai un une grande estime.
Mais donner en exemple l'Afrique du Sud, un des pays les plus criminels du monde, avec ceux d'Amérique Latine, si ce n'était tragique, ce serait drôle. Non, non et non! Vous me direz qu'on peut faire largement pire: naguère Rwanda, Burundi, Libéria, Sierra Leone, Congo Kinshasa, et maintenant Centrafrique, Soudan du Sud et encore Congo Kinshasa...A mesure que les Etats africains se défont sous la corruption, la vieille culture d'envie, de coercition familiale, de superstition et de vengeance revient au grand jour.
Ah! un correctif sur l'Afrique du Sud: si les statistiques de criminalité son si élevées, c'est peut être parce qu'on n'y lynche pas les criminels et les voleurs réels ou présumés.
L'Eglise fait ce qu'elle peut pour changer les mentalités, elle fait aussi ce qu'elle peut pour extirper cette gangrène de son sein. Ce n'est pas toujours facile.
Mais si les Africains émigrent en masse, il y peut-être une raison?
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Écrit par : Pierre Huet / | 10/05/2014
NOUS FAISONS REPENTANCE !
> Merci cher PP pour votre repentance au nom de vos ancêtres.
Je m'y associe, ayant parmi mes ancêtres des Espagnols cubains, et plus récemment des armateurs nantais du temps du commerce triangulaire.
C'est le seul chemin de libération, tant il est vrai que l'esclavage continue de nous enchaîner intérieurement, nous descendants d'esclavagistes.
Je vois aujourd'hui parmi les nôtres des personnes oui qui vivent dans le déni de l'esclavage et se proclament décomplexées, affirmant même assumer aujourd'hui l'exploitation des enfants chinois, des femmes pakistanaises,..., comme hier celle des ouvriers de chez nous, au nom des lois du sacro-saint marché.
J'en sens aussi de plus en plus, et cela notamment au sein de la mouvance LMPT, fasciné(e)s par un Islam radical, ses femmes soumises cloîtrées derrière leur voile et les murs de leur foyer, obéissant à un homme à l'autorité rassurante, à des règles morales simples et claires, qui rejettent pêle-mêle toutes les avancées sociales, comme si ils (plus souvent elles) prenaient sur ils-elles les fautes de leurs ancêtres, s'obligeant inconsciemment à payer pour eux la dette exorbitante.
Non, nous ne pourrons jamais payer pour nos crimes passés, non plus présents. Il ne reste que la repentance, non pas en bonne excuse pour nous débarrasser vite fait d'aigreurs qui remontent du passé, mais comme long chemin du pardon, où nous voulons retrouver nos frères.
En serviteurs oui, mais libres! C'est pourquoi l'attitude du Christ est pour moi la clé: "Ma vie nul ne la prend, mais c'est moi qui la donne."
A méditer toujours plus profondément, dans ce même temps où nous choisissons librement la place du serviteur lavant les pieds des invités, cette parole d'amour en déraison du Fils de Dieu:"je ne vous appelle plus serviteurs mais amis".
C'est dans ce double mouvement: d'abaissement-inclination du coeur bouleversé- vers nos frères, et d'élévation -extase amoureuse de l'esprit infiniment reconnaissant- au rang d'ami de Dieu, dans cet espace appelé à dilater toujours plus notre âme, que danse enfin notre liberté d'enfant de Dieu.
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Écrit par : Anne Josnin / | 10/05/2014
SAINT PAUL, BOSSUET ETC
> Autant les propos de Mariani sont inadmissibles et grotesques, autant le débat sur la position de l'Eglise vis à vis de l'esclavage mérite un examen approfondi: on ne doit pas oublier que saint Paul n'a pas aboli l'esclavage, que Bossuet s'appuyant sur lui ne le considérait pas comme un crime... contrairement à JPII. Merci pour les citations des papes !
Caillaud
[ PP à C . - Oui, mais :
a) Intervenant dans un monde païen où l'esclavage existait depuis toujours et formait le socle du modèle économique, Paul n'était pas en position de changer quoi que ce soit... sinon l'attitude des individus qui se convertissaient au Christ. A ceux-là il enjoignait de traiter les esclaves comme des hommes libres. Dans la lettre au sujet de l'esclave Onésime, Paul dit à son propriétaire Philémon de le traiter "non plus comme un esclave mais comme un frère bien-aimé" : "accueille-le comme si c'était moi..." Il ajoute qu'il remboursera lui-même Philémon, et rappelle à celui-ci les exigences de sa conversion : "toi aussi tu as une dette envers moi, et cette dette c'est toi-même." Et il conclut : "confiant dans ton obéissance, je t'écris en sachant que tu feras encore plus que je ne dis..."
b) L'esclavage disparut de l'empire quand celui-ci devint massivement chrétien. Contrairement à ce que croit la droite catho, ce ne sont pas les lois qui changent les mentalités : ce sont les mentalités qui changent les lois. Renonçons au mythe poussiéreux du "petit nombre qui pourrait tout s'il arrivait au pouvoir" ! Les sociétés n'ont jamais fonctionné ainsi.
c) Contrairement à saint Paul, les monarques de l'Europe classique auraient pu changer les choses : ils en avaient le pouvoir (absolu). Ils ne l'ont pas fait. Or ils se proclamaient très-catholiques, très-chrétien, etc. Mais sans les esclaves africains, que seraient devenues les si "indispensables" plantations du Nouveau Monde ? Etc. Cf le film 'Mission', qui a tellement choqué la droite-catho-fière-de-ses-valeurs.
d) Bossuet n'en était pas à une niaiserie près sur la vision de l'histoire (cf la dérisoire 'Politique tirée de l'Ecriture Sainte') !
e) Le fait que l'esclavage ait disparu de la chrétienté médiévale et qu'il soit réapparu par esprit de lucre avec les Grandes Découvertes, ne s'explique pas seulement par l'imitation des pratiques arabo-islamiques (imitation déjà scandaleuse de la part de chrétiens) ; cette réapparition s'explique par la toute-puissance du mirage de l'or, "idéologie" économique né en même temps que la re-paganisation des élites à la Renaissance.
f) Il y a eu des contradictions au sein de la hiérarchie catholique sur la question de la main d'œuvre esclave ; ça prouve une tentation permanente dans les Eglises, celle de pactiser avec le modèle économique dominant. Le Magistère réagit de façon non moins permanente contre cette tentation, mais avec un succès inégal. On le constate à nouveau en France en ce moment, où des mandarins "catholiques" contredisent sournoisement le pape François pour défendre le modèle libéral... ]
réponse au commentaire
Écrit par : caillaud / | 10/05/2014
@ PP et à Anne,
> Je m'associe pleinement à ce que vous écrivez; paroles de vérité libératrices qui me touchent profondément.
Rien à rajouter. Un grand merci fraternel à vous deux.
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Écrit par : Serge Lellouche / | 11/05/2014
LES ROMS
> Pleinement d'accord, mais j'ai toujours une réticence à faire toujours un "tua culpa" pour les crimes de nos ancêtres au risque d'occulter le "mea culpa" que nous devrions faire pour ceux que nous commettons aujourd'hui.
Un exemple : le sort fait aujourd'hui aux Roms.
J'aimerais autant que nos enfants n'aient pas à faire à leur tour des repentances pour nos manquements ou nos crimes...
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Écrit par : Michel de Guibert / | 11/05/2014
L'ESCLAVAGE
> L’esclavage, c’est cruel à dire, n’a pas disparu (ou presque) de l’Europe occidentale en raison de la christianisation des élites. Ce qui fut vraiment décisif, c’est l’effondrement des structures impériales et d’un pouvoir centralisateur fort. En fin de compte, l’esclavage n’a continué à prospérer, après le haut moyen âge, qu’en terre d’islam, justement là où la puissance étatique s’était maintenue. Mais d’un point de vue doctrinal, l’islam était sur la même longueur d’onde que la tradition chrétienne : la réduction à l’esclavage d’un musulman par un autre musulman était prohibée.
Après les grandes conquêtes arabo-musulmanes, les abbassides, ont mis en place un modèle politique qui rendait l’esclavage structurellement indispensable : pour conforter leur pouvoir, ils ont procédé au désarmement complet de la population, y compris à celui des conquérants de la veille, – et ils ont remis le pouvoir militaire à des esclaves-soldats à leur dévotion. Autrement dit, à l’exception des marges, les sociétés arabes et ottomanes ont été organisées jusque très tard selon un clivage fondamental : d’un côté une population locale entièrement pacifiée, qui paye ses impôts ; de l’autre, une élite politico-militaire que les Etats allaient chercher dans les confins « barbares », grâce à la guerre et au commerce esclavagiste.
En Europe occidentale, par comparaison, la pratique de l’esclavage n’a commencé à prendre de l’ampleur qu’avec la montée en puissance de pouvoirs centralisateurs, à la fin du moyen âge et à l’époque moderne. La raison d’une telle réémergence est sans doute multifactorielle : pour un Etat, disposer de galères impliquait de recourir à une main d’œuvre servile : prisonniers musulmans ou de droit commun, protestants… L’esclavage était aussi un moyen de résoudre l’effondrement démographique dans les colonies américaines ; enfin, une telle pratique dépendait du modèle économique lui-même, inspiré du système féodal, avec ses plantations employant une main d’œuvre servile.
En passant, Christophe Colomb était Gênois ; et la pratique de l’esclavage n’était pas inconnue des Génois. Son erreur fut d’avoir vendus comme esclaves des populations que la Couronne d’Espagne considérait comme ses sujets.
La question douloureuse de l’esclavage conduit à nous interroger sur les structures de péché présentes dans les différentes sociétés, qu’elles aient ou non un passé chrétien, et à poser un regard critique sur notre propre tradition : Des pères de l’Eglise aussi importants que saint Augustin ont justifié l’esclavage en des termes beaucoup moins « égalitaires » que saint Paul, et il a fallu attendre Grégoire XVI pour que l’Eglise adopte une position abolitionniste.
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Écrit par : Blaise / | 11/05/2014
@ Michel de Guibert
> Notre capacité à porter un regard lucide sur notre passé ne s’oppose pas à notre responsabilité éthique pour le présent ; bien au contraire, l’acte de mémoire et l’engagement en tant que sujets justiciables de nos propres actes sont indissociables : le type de rapport que nous entretenons avec notre passé influe directement sur notre façon de nous comporter, d’agir et de penser à l’avenir.
William Cavanaugh donne un exemple concret et stimulant de ce que signifie faire pénitence pour les fautes commises dans le passé :
« La torture fait partie du passé chrétien. D’un point de vue catholique, l’Eglise doit faire pénitence pour l’Inquisition. Mais de quelle manière ? Je propose que, pour l’Inquisition, elle s’élève contre la torture, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, et qu’elle s’y oppose. L’examen de conscience qui précéderait cette pénitence devrait inclure le rejet de tous les moyens que nous prenons pour essayer de ne pas reconnaître nos propres péchés.
Le moyen le plus important que nous prenons à cet égard est de tenter de prendre nos distances avec la torture pour la reléguer dans le passé ou dans le camp éloigné de l’Autre. L’aveu de notre péché nécessite que nous reconnaissions non seulement que la torture a été pratiquée en notre nom, mais également que seul Dieu est Dieu, et non pas un Etat-nation qui prétend nous sauver du mal. Les chrétiens adorent un Dieu qui a été torturé à mort par l’Empire. C’est ce Dieu qui sauve en renonçant, sur la croix, à la violence. » (« Migrations du sacré », L’Homme Nouveau, 2010, p. 144.)
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Écrit par : Blaise / | 11/05/2014
@ Robert Culat
> Les "chevaliers de Colomb" : entité mi-société de secours mutuel, mi-mouvement catholique. Quasiment inconnue en-dehors des Etats-Unis et du Canada (son seul pays d'implantation en Europe est la Pologne). Moi-même, je n'ai connu son existence qu'en découvrant la petite biographie du P. McGivney, le fondateur, publiée aux éditions du Signe.
Détail assez fascinant : dès le départ, les "chevaliers" ont été conçus comme une FM catholique. De par son organisation, ses rituels d'initiation, …l'organisation s'inspire très largement de la maçonnerie (américaine). Cas unique dans l'Eglise catholique, me semble-t-il...
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Écrit par : Feld / | 12/05/2014
1454
> Il existe tout un débat sur la juste traduction de "Romanus Pontifex"... Mais n'étant pas latiniste, je ne saurais prendre parti. Rappel en tout cas de la traduction courate du passage qui pose problème dans cette bulle pontificale : "Nous (...) garantissons (...) la libre et ample faculté au susdit Roi Alfonso d'envahir, chercher, capturer, déporter et soumettre tous les Sarrasins et païens, et autres ennemis du Christ où qu'ils soient, de prendre possession de leurs royaumes, principautés, et de leurs possessions, et de tous leurs biens meubles et immeubles, et de réduire leur personne à l'esclavage perpétuel, et prendre la souveraineté de leurs royaumes, principautés, et de leurs biens afin de bénéficier de l'usage et des produits de ceux-ci" ( http://dialogueabraham.forum-pro.fr/t51-les-chretiens-et-l-esclavage#4949 )
Ren'
[ PP à Ren' - C'est le type même du document à examiner de près, à traduire avec exactitude, et à placer dans son contexte historique (1454, la lutte contre les Ottomans). ]
réponse au commentaire
Écrit par : Ren' / | 12/05/2014
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