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18/03/2014

Olivier Le Gendre : 'Pourquoi je crois' - ''Catholique, il me restait à devenir chrétien...'' [1]

christianismePublié par Médiaspaul, ce témoignage vibrant est un exercice de lucidité. Olivier Le Gendre balise –  à partir de sa propre expérience –  les perspectives qui s'ouvrent au croyant dans notre société. Une lecture indispensable  aux catholiques qui veulent donc être chrétiens :


Voilà un livre de vérités, bref, simple, concret, objectif : d'une intelligence tellement sincère que ce témoignage – avec les analyses qu'il inspire – pourrait être pris en considération par les cathophobes. Je l'ai lu hier et je vous en parle tout de suite : il faut que les cathophiles le lisent, pour découvrir ce qu'est le catholicisme du croyant ! (radicalement autre chose qu'un conservatoire des bonnes vieilles valeurs). Il faut que les catholiques aussi le lisent, d'urgence : parce que la foi commande de profonds changements, dans l'Eglise-institution mais tout autant dans la vie de chaque catholique, comme le pape François ne cesse de nous le dire. Ce livre, achetez-le, étudiez-le, discutez-le ; j'en donne ici une courte synthèse, mais elle ne saurait remplacer l'ouvrage lui-même, surtout dans sa dimension (très émouvante) de témoignage de ''conversion'' : la conversion d'un homme qui fut toujours catholique, mais qui a découvert un beau jour que le catholicisme exigeait une décantation et une rencontre personnelle avec le Christ – si l'on ne veut pas être cet animal étrange : un ''catholique'' non-chrétien.

1. Des changements dans l'Eglise-institution ?

La trajectoire personnelle d'Olivier Le Gendre est significative : fils de catholiques de Neuilly, co-fondateur des Scouts unitaires de France, marié et père de cinq enfants : la ''France bien élevée'', croirait-on. Pourtant il est la cible des ultras depuis un précédent livre publié en 2012. De quoi l'ont-ils accusé ? De prôner des changements, donc une ''opposition à Benoît XVI'' ! Les censeurs auraient mieux fait se se taire. Car Benoît XVI n'avait rien d'un immobiliste. Un an plus tard il fera la révolution en renonçant à sa charge, l'anneau de saint Pierre ira au pape François, et Benoît XVI dira sa certitude d'avoir renoncé sous l'inspiration du Saint-Esprit ''quand je vois le charisme de mon successeur''... ''Divine surprise '', écrira pour sa part Le Gendre... L'écrivain laïc est ainsi d'accord avec le pape Ratzinger pour bénir l'élection du pape Bergoglio, avec les changements qu'elle va introduire.

Pourquoi faut-il des changements ? Parce que le témoignage du chrétien croyant, dans le monde du XXIe siècle, exige une Eglise (clercs et laïcs) qui se désencombre d'éléments hérités des XIXe-XXe siècles et devenus contre-témoignages. Et cela, pour qu'elle (nous) se rende (que nous nous rendions) capable(s) de répondre aux besoins spirituels des contemporains : ce qui implique un certain nombre de mutations, parfois déchirantes.

C'est pour avoir envisagé ces mutations que Le Gendre a fait l'objet des foudres d'inquisiteurs autoproclamés.

De quel droit s'exprimait-il ? Du droit de tous les christifideles laici à parler de leur Eglise ; même si leur avis est rude ! (il ne le sera d'ailleurs jamais autant que les remontrances de sainte Hildegarde de Bingen au pape Eugène III ou à l'évêque de Mayence, en plein XIIe siècle).

Les lecteurs de notre blog savent que nous ne faisons pas de cadeaux à la société occidentale du XXIe siècle, dont le matérialisme mercantile est l'une des causes de la déspiritualisation ambiante : c'est l'un des motifs de notre critique du libéralisme qui formate cette société. Mais ce n'est que la moitié du problème... L'autre moitié tient à nous autres, Eglise catholique. Si l'Eglise (donc nous autres) ''entretient des attitudes ou des fonctionnements décalés par rapport à son message'', écrit Le Gendre, elle aggrave –''malgré ses réalisations extraordinaires et sa bonne volonté'' le mouvement de masse qui détourne le monde occidental de la foi chrétienne. Le fondement de la fidélité de nos ancêtres à l'Eglise était la croyance générale en la vie éternelle ; le monde occidental a été détourné de cette espérance par son évolution culturelle, absorbée par la technologie ; la tâche des chrétiens désormais est de faire renaître l'espérance en faisant ressentir autour d'eux ''la tendresse de Dieu, révélée par le Christ qui l'incarne de manière totale dans l'Evangile''. C'est dans ce sens que doit être repensée la structure même des communautés chrétiennes. Tout ce qui ne va pas dans ce sens est virtuellement contre-témoignage ; le pire étant de ''vouloir reconstruire les équilibres d'un passé présenté comme glorieux'' : rêve ''impossible, naïf et même un peu maladif'', et ''ceux qui s'y emploient gaspillent leurs énergies et augmentent la perte de crédibilité de l'Eglise et des chrétiens''. Avec tous les historiens, Le Gendre souligne que 'le soi-disant âge d'or de la chrétienté n'était pas si doré que cela : ne perdons pas notre temps à nous demander comment y revenir. Cela nous libérera pour imaginer des solutions adaptées au temps que nous vivons.''

Le défi du christianisme, souligne Le Gendre, ''est de montrer qu'il existe aujourd'hui des raisons valables de croire après que d'autres raisons aient perdu une part de leur validité''. Ces raisons devenues obsolètes ne concernent pas les profondeurs de l'esprit humain (Fides et ratio) : il s'agit de raisons secondaires, d'ordre socio-culturel, qui paraissaient immuables et évidentes à nos ancêtres et, par là, pouvaient être une forme de chemin vers le véritable coeur de la foi – laquelle est d'une tout autre essence. Ces raisons secondaires ont disparu sous les coups de la technoscience, qui prétend devenir notre horizon : prétention artificielle qui refoule les besoins profonds du coeur humain, mais sans pouvoir les abolir. Répondre à ces besoins est la vocation de la foi chrétienne. Mais à condition que nous en devenions les sincères porteurs, au lieu de lui faire écran par nos postures ! ''Nous sommes donc à un moment où nous avons la possibilité et le devoir de réveiller l'espérance qui sommeille en chacun de nos coeurs. Pour peu que nous nous réajustions à ce devoir et à cette possibilité...''

Afin que ''l'Evangile soit à nouveau audible'', constate ainsi Le Gendre, ''quelques conditions sont à respecter'' :

- ''écouter nos contemporains avant de parler'', car ''ils éprouvent une soif inextinguible d'être entendus, écoutés, compris'' ;

- ''sortir de la victimisation'' : ''celle-ci nous enferme dans l'amertume et nous empêche de refléter le visage du Christ. Nous ne sommes pas dans les pays européens des cibles en danger'' ;

- ''rechercher ce qui unit avant de stigmatiser ce qui divise'' : ''notre Eglise ne saurait être une juxtaposition de chapelles fermées à l'entrée desquelles il faudrait montrer patte blanche'' ;

- ''libérer et non condamner'', selon l'exemple du Christ envers la femme adultère dans l'Evangile : ''d'abord le refus de condamner. Ensuite, l'invitation à se mettre en marche. Et seulement après, l'invitation à ne plus pécher.''

Et l'Eglise en Occident entre dans la voie de la pauvreté matérielle, ce dont se réjouit le pape François... Le Gendre s'en réjouit aussi : elle ''va être contrainte au jeûne dans une forme de désert qu'elle n'a pas connue depuis longtemps, qui va lui faire du bien en profondeur même si cela va lui être une épreuve dont elle a perdu l'habitude.''

Les voeux de changements d'Olivier Le Gendre ne sont en aucun cas étrangers à l'Eglise ! (contrairement à ce qu'ont prétendu les ultras, une fois de plus objectivement d'accord avec les cathophobes). Ils expriment au contraire un acte de foi et d'espérance : ''Je crois, écrit-il, que l'Eglise a plus de ressort que la société pour réformer ce qui doit être réformé en son sein.''

Cette aptitude au changement est donc aussi celle de l'individu membre de l'Eglise...

 

(à suivre :  2.  Des changements en nous-même)

 

 

Commentaires

RWANDA

> Le diagnostic porté par Olivier Legendre sur la crise du Rwanda, dans ses "confessions d'un cardinal", est radicalement faux. C'est parceque l'Eglise a trop respecté les ethnies, les mentalités (comme l'invitaient à le faire les théologiens "modernes" de la mission)que cette guerre civile a eu lieu. Il fallait faire "à l'ancienne", c'est-à-dire oser discerner plus fermement et rejeter ce qui, dans les mentalités ambiantes, est force porteuse de mort. Le projet de Dieu n'est pas de laisser le monde en l'état où il le trouve, contrairement à ce que pense Olivier Legendre.

BH


[ PP à BH - Pardon, mais les experts du terrain rwandais ne sont pas d'accord avec vous. (Rôle des démo-chrétiens belges, etc). Et Le Gendre ne pense pas comme vous l'affirmez. Quant au carnage du Rwanda si catholique, ce fut un scandale aux yeux de l'opinion mondiale, quoi qu'on dise... ]

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Écrit par : B.H. / | 18/03/2014

PAS D'ACCORD

> Dans l'homélie de carême de ce dimanche , le prêtre a dit , rappelant une phrase de Vatican II : l'Eglise n'a pas besoin de réformes , mais elle et nous avons besoin de purifications . Ni l'Evangile ni aucun des dogmes ne seront réformés.

JCK

[ PP à JCK :
- Le pape n'est pas de l'avis de ce prêtre, apparemment.
- Personne (spécialement pas Olivier Le Gendre) ne parle de réformer l'Evangile et les dogmes ! C'est l'Eglise qui est "semper reformanda" pour se recentrer toujours sur l'Evangile et les dogmes... ]

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Écrit par : Jean Claude Kill / | 18/03/2014

SURPRIS

> Que signifient les deux premiers commentaires ???
Le premier totalement hors-sujet (un de ces ultras que vous évoquez ?),
le second qui n'a rien compris (rien lu ?)
Je suis surpris ! (consterné ?)

PMalo


[ PP à PM - Ne soyez pas surpris. Tout ce qui est dérangeant suscite des réflexes tendant à biaiser la question. Notre mission est d'expliquer sans relâche ce que nous voulons dire. ]

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Écrit par : PMalo / | 18/03/2014

ACTION

> Très bien mais n'est ce pas déjà banal ? Et surtout quelle action derrière cela ? Je trouve qu'il y a beaucoup de livres et trop peu d'initiatives les concrétisant. Or c'est cela qui est difficile: comment concrètement tenir charité et vérité ? Pour cette raison je dis bravo à tous ceux aux avant postes dans cette direction: les cellules d Evangelisation, Alpha, Le Rocher, les missionnaires de la charité..., bref tout ceux qui vont aux périphéries remplis du Christ.
______

Écrit par : Ludovic / | 19/03/2014

PAS BANAL

> à Ludovic - alors si vous trouvez Le Gendre banal, c'est que vous vivez dans une communauté chrétienne d'avant-garde ! félicitations.
Moi je trouve son livre décoiffant.
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Écrit par : Emmeline / | 19/03/2014

DÉBAT

> Je ne voudrais pas dévier du sujet qui concerne la question des changements nécessaires dans l'Eglise-Institution mais je vois qu'on parle de l'avis d'Olivier Le Gendre sur le génocide du Rwanda et des causes de ce génocide. Comme chacun sait toute catastrophe est le résultat de causes multiples. Je pense, en l'occurence, qu'il serait judicieux de s'interroger sur le rôle des Américains dans cette affaire.
Kagamé, ce nouvel humaniste, venait de l'Ouganda où il s'était réfugié depuis des années et où l'influence américaine n'était pas négligeable.
Et on pourrait citer d'autres exemples à l'appui de cette thèse.
Je trouve que l'Eglise a bon dos dans cette affaire.Le livre de Pierre Péan sur le sujet est très instructif "Noires fureurs, blancs menteurs".

OLP


[ PP à OLP - D'accord là-dessus. Mais la manipulation des Tutsis par la CIA ne change rien au scandale du carnage commis par les si catholiques Hutus ! ]

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Écrit par : Olivier le Pivain / | 19/03/2014

LE GENDRE EST AU DIAPASON

> Pardon pour la longueur mais difficile de dire que Le Gendre n'est pas au diapason.

EXTRAITS de EVANGELII GAUDIUM
[...]Quelques défis culturels

61. Nous évangélisons aussi quand nous cherchons à affronter les différents défis qui peuvent se présenter.[56] Parfois, ils se manifestent dans des attaques authentiques contre la liberté religieuse ou dans de nouvelles situations de persécutions des chrétiens qui, dans certains pays, ont atteint des niveaux alarmants de haine et de violence. Dans de nombreux endroits, il s’agit plutôt d’une indifférence relativiste diffuse, liée à la déception et à la crise des idéologies se présentant comme une réaction contre tout ce qui apparaît totalitaire. Cela ne porte pas préjudice seulement à l’Église, mais aussi à la vie sociale en général. Nous reconnaissons qu’une culture, où chacun veut être porteur de sa propre vérité subjective, rend difficile aux citoyens d’avoir l’envie de participer à un projet commun qui aille au-delà des intérêts et des désirs personnels.

62. Dans la culture dominante, la première place est occupée par ce qui est extérieur, immédiat, visible, rapide, superficiel, provisoire. Le réel laisse la place à l’apparence. En de nombreux pays, la mondialisation a provoqué une détérioration accélérée des racines culturelles, avec l’invasion de tendances appartenant à d’autres cultures, économiquement développées mais éthiquement affaiblies. C’est ainsi que se sont exprimés les Synodes des Évêques de différents continents. Les évêques africains, par exemple, reprenant l’Encyclique Sollicitudo rei socialis, il y a quelques années, ont signalé que, souvent, on veut transformer les pays d’Afrique en simples « pièces d’un mécanisme, en parties d’un engrenage gigantesque. Cela se vérifie souvent aussi dans le domaine des moyens de communication sociale qui, étant la plupart du temps gérés par des centres situés dans la partie Nord du monde, ne tiennent pas toujours un juste compte des priorités et des problèmes propres de ces pays et ne respectent pas leur physionomie culturelle ».[57] De la même manière, les évêques d’Asie ont souligné « les influences extérieures qui pèsent sur les cultures asiatiques. De nouveaux modes de comportement apparaissent par suite d’une exposition excessive aux médias […] Il en résulte que les aspects négatifs des médias et des industries du spectacle menacent les valeurs traditionnelles ».[58]

63. La foi catholique de nombreux peuples se trouve aujourd’hui devant le défi de la prolifération de nouveaux mouvements religieux, quelques-uns tendant au fondamentalisme et d’autres qui semblent proposer une spiritualité sans Dieu. Ceci, d’une part est le résultat d’une réaction humaine devant la société de consommation, matérialiste, individualiste, et, d’autre part, est le fait de profiter des carences de la population qui vit dans les périphéries et les zones appauvries, qui survit au milieu de grandes souffrances humaines, et qui cherche des solutions immédiates à ses propres besoins. Ces mouvements religieux, qui se caractérisent par leur subtile pénétration, viennent remplir, dans l’individualisme dominant, un vide laissé par le rationalisme qui sécularise. De plus, il faut reconnaître que, si une partie des personnes baptisées ne fait pas l’expérience de sa propre appartenance à l’Église, cela est peut-être dû aussi à certaines structures et à un climat peu accueillant dans quelques-unes de nos paroisses et communautés, ou à une attitude bureaucratique pour répondre aux problèmes, simples ou complexes, de la vie de nos peuples. En beaucoup d’endroits il y a une prédominance de l’aspect administratif sur l’aspect pastoral, comme aussi une sacramentalisation sans autres formes d’évangélisation.

64. Le processus de sécularisation tend à réduire la foi et l’Église au domaine privé et intime. De plus, avec la négation de toute transcendance, il a produit une déformation éthique croissante, un affaiblissement du sens du péché personnel et social, et une augmentation progressive du relativisme, qui donnent lieu à une désorientation généralisée, spécialement dans la phase de l’adolescence et de la jeunesse, très vulnérable aux changements. Comme l’observent bien les êvêques des États-Unis d’Amérique, alors que l’Église insiste sur l’existence de normes morales objectives, valables pour tous, « il y en a qui présentent cet enseignement comme injuste, voire opposé aux droits humains de base. Ces argumentations proviennent en général d’une forme de relativisme moral, qui s’unit, non sans raison, à une confiance dans les droits absolus des individus. Dans cette optique, on perçoit l’Église comme si elle portait un préjudice particulier, et comme si elle interférait avec la liberté individuelle ».[59] Nous vivons dans une société de l’information qui nous sature sans discernement de données, toutes au même niveau, et qui finit par nous conduire à une terrible superficialité au moment d’aborder les questions morales. En conséquence, une éducation qui enseigne à penser de manière critique et qui offre un parcours de maturation dans les valeurs, est devenue nécessaire.

65. Malgré tout le courant séculariste qui envahit la société, en de nombreux pays, – même là où le christianisme est minoritaire – l’Église Catholique est une institution crédible devant l’opinion publique, fiable en tout ce qui concerne le domaine de la solidarité et de la préoccupation pour les plus nécessiteux. En bien des occasions, elle a servi de médiatrice pour favoriser la solution de problèmes qui concernent la paix, la concorde, l’environnement, la défense de la vie, les droits humains et civils, etc. Et combien est grande la contribution des écoles et des universités catholiques dans le monde entier ! Qu’il en soit ainsi est très positif. Mais quand nous mettons sur le tapis d’autres questions qui suscitent un moindre accueil public, il nous coûte de montrer que nous le faisons par fidélité aux mêmes convictions sur la dignité de la personne humaine et sur le bien commun.

66. La famille traverse une crise culturelle profonde, comme toutes les communautés et les liens sociaux. Dans le cas de la famille, la fragilité des liens devient particulièrement grave parce qu’il s’agit de la cellule fondamentale de la société, du lieu où l’on apprend à vivre ensemble dans la différence et à appartenir aux autres et où les parents transmettent la foi aux enfants. Le mariage tend à être vu comme une simple forme de gratification affective qui peut se constituer de n’importe quelle façon et se modifier selon la sensibilité de chacun. Mais la contribution indispensable du mariage à la société dépasse le niveau de l’émotivité et des nécessités contingentes du couple. Comme l’enseignent les êvêques français, elle ne naît pas « du sentiment amoureux, par définition éphémère, mais de la profondeur de l’engagement pris par les époux qui acceptent d’entrer dans une union de vie totale ».[60]

67. L’individualisme post-moderne et mondialisé favorise un style de vie qui affaiblit le développement et la stabilité des liens entre les personnes, et qui dénature les liens familiaux. L’action pastorale doit montrer encore mieux que la relation avec notre Père exige et encourage une communion qui guérit, promeut et renforce les liens interpersonnels. Tandis que dans le monde, spécialement dans certains pays, réapparaissent diverses formes de guerre et de conflits, nous, les chrétiens, nous insistons sur la proposition de reconnaître l’autre, de soigner les blessures, de construire des ponts, de resserrer les relations et de nous aider « à porter les fardeaux les uns des autres » (Ga 6,2). D’autre part, aujourd’hui, naissent de nombreuses formes d’associations pour défendre des droits et pour atteindre de nobles objectifs. De cette façon, se manifeste une soif de participation de nombreux citoyens qui veulent être artisans du progrès social et culturel.

Défis de l’inculturation de la foi

68. Le substrat chrétien de certains peuples – surtout occidentaux – est une réalité vivante. Nous trouvons là, surtout chez les personnes qui sont dans le besoin, une réserve morale qui garde les valeurs d’un authentique humanisme chrétien. Un regard de foi sur la réalité ne peut oublier de reconnaître ce que sème l’Esprit Saint. Cela signifierait ne pas avoir confiance dans son action libre et généreuse, penser qu’il n’y a pas d’authentiques valeurs chrétiennes là où une grande partie de la population a reçu le Baptême et exprime sa foi et sa solidarité fraternelle de multiples manières. Il faut reconnaître là beaucoup plus que des « semences du Verbe », étant donné qu’il s’agit d’une foi catholique authentique avec des modalités propres d’expressions et d’appartenance à l’Église. Il n’est pas bien d’ignorer l’importance décisive que revêt une culture marquée par la foi, parce que cette culture évangélisée, au-delà de ses limites, a beaucoup plus de ressources qu’une simple somme de croyants placés devant les attaques du sécularisme actuel. Une culture populaire évangélisée contient des valeurs de foi et de solidarité qui peuvent provoquer le développement d’une société plus juste et croyante, et possède une sagesse propre qu’il faut savoir reconnaître avec un regard plein de reconnaissance.
[...]
http://www.vatican.va/holy_father/francesco/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20131124_evangelii-gaudium_fr.html
______

Écrit par : Gérald / | 19/03/2014

DÉBAT

> Le point de vue d'Olivier Le Gendre est intéressant. En revanche, il ne rejoint pas vraiment mon vécu.
Venant d'un milieu non chrétien, entourés d'amis non chrétiens, travaillant en milieu non chrétien, je me suis converti à l'âge de 26 ans. Ce n'est pas une soif inextinguible que je décèle dans mon entourage mais une indifférence totale, associée à un relativisme et un mépris de la vérité ahurissants. Je le dis d'autant plus facilement qu'il n'y a pas si longtemps, j'étais comme eux. Et je passe rapidement sur les idées préconçues et dont certaines sont historiquement idiotes véhiculées par notre société sur l'Église (inquisition, affaire Galilée, etc).
Il ne me sert à rien d'écouter ceux qui m'entourent car je sais bien qu'ils n'attendent rien tout comme je n'attendais rien jusqu'à ce que Dieu vienne Lui-même frapper à ma porte. L'anesthésie contemporaine est puissante. Il faut une bonne dose de souffrance, un vrai choc en somme, pour réveiller un homme "moderne". Voilà mon point de vue et mon expérience.

Quant à cette réduction du catholicisme à un christianisme vague et fluctuant, je la dénonce. C'est dans l'Église catholique que subsiste la vérité plénière de la foi. Autrement dit, le vrai christianisme est dans l'Église catholique. Voilà ce que doit croire un vrai fils de l'Église. Il ne faut donc pas que les catholiques deviennent "chrétiens" - comme si le catholicisme éloignait de l'Évangile -, il faut qu'ils deviennent au contraire pleinement et entièrement catholiques, c'est-à-dire qu'ils osent vivre la radicalité que l'Église leur propose.

Enfin, quant à rechercher ce qui unit plutôt que de diviser, notre Seigneur a apparemment enseigné le contraire en disant qu'il apporterait justement la division. Bien entendu, je ne dis pas qu'il faut créer des conflits au nom de la foi. Il faut au contraire rechercher et désirer la paix. Mais il faut aussi prendre conscience du fait que vivre l'Évangile ne conduit PAS à la paix avec l'esprit du monde. Au contraire. La proclamation de la vérité, le désir de ne pas céder à l'esprit du monde, tout cela conduit naturellement au rejet et à la persécution. L'Évangile est d'une clarté cristalline à ce sujet. Le problème des catholiques, si j'en vois un, est bien au contraire de vouloir à tout prix privilégier le "vivre ensemble" au mépris de la vérité et de ce que le Maître nous a laissé comme commandement : proclamer l'Évangile à toutes les nations et non pas prendre le thé avec les non croyants en se félicitant de la bonne entente entre nous (et encore une fois, je ne prêche pas le conflit ou la provocation, je n'ignore pas qu'il y a un temps pour tout... malheureusement, il me semble beaucoup de fidèles consacrent de plus en plus de temps au vivre ensemble et de moins en moins à l'annonce du Seigneur).

Par contre, je suis d'accord avec lui lorsqu'il dit qu'il faut sortir de la victimisation. Que des catholiques s'offusquent des persécutions dont ils sont l'objet ne montre qu'une seule chose : qu'ils n'ont pas pleinement saisi cette parole du Seigneur : le serviteur n'est pas plus grand que le maître. Bien sûr, il faut dire les choses, mais le dire en gardant la paix et la joie qui viennent de Dieu seul car n'oublions jamais qu'être persécuté pour la justice est une béatitude...

Cordialement,

Xavier


[ PP à Xavier - Merci de votre témoignage; Mais lisez ce livre : l'auteur ne prône absolument pas "un christianisme vague et fluctuant". Il parle un langage assez proche de celui des protestants évangéliques, dont le Credo n'est ni vague ni fluctuant, et qui mettent l'accent sur la rencontre personnelle avec le Christ. Pourquoi des catholiques se choqueraient-ils de cette idée de rencontre personnelle ? Le Gendre n'appelle en aucun cas à rompre avec les articles de foi : il appelle à rompre avec le vieil homme en nous. C'est purement paulinien. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Xavier / | 19/03/2014

de OLP à PP

> C'est exact et c'est une vraie question qui rejoint un peu le sujet de votre post qui est, au fond, la question centrale de la fidélité de l'Eglise à l'Evangile. On pourrait citer beaucoup d'exemples mais, parmi d'autres, je trouve qu'il y en a un qui nous parle à nous catholiques français qui soutenons le Liban : le massacre de Sabra et Chatila par les milices "catholiques" de Gemayel. C'est toute la différence entre la chrétienté et le christianisme.

OLP


[ PP à OLP - Vous avez raison. Parler (à l'époque) avec des membres de ces milices "chrétiennes" donnait une impression de malaise. Qui s'est confirmée quand ces milices ont commencé à s'entretuer, pour des raisons peu morales et encore moins chrétiennes. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Olivier le Pivain / | 19/03/2014

RWANDA

> Quelqu'un peut-il m'expliquer en deux mots le lien entre le sujet de cet article et le Rwanda ?
J'ai dû rater un épisode.

PM


[ PP à PM - Dans un passage de son livre, Olivier Le Gendre cite le cas du Rwanda. ]

réponse au commentaire

Écrit par : PMalo / | 19/03/2014

@ Xavier :

> "C'est dans l'Église catholique que subsiste la vérité plénière de la foi. Autrement dit, le vrai christianisme est dans l'Église catholique. Voilà ce que doit croire un vrai fils de l'Église. Il ne faut donc pas que les catholiques deviennent "chrétiens" - comme si le catholicisme éloignait de l'Évangile -, il faut qu'ils deviennent au contraire pleinement et entièrement catholiques, c'est-à-dire qu'ils osent vivre la radicalité que l'Église leur propose."

Je comprends tout à fait votre objection, et je pense voir où se trouve la confusion.
Olivier le Gendre parle de ces "cathos" d'un certain milieu "catho", qui pensent "catho", mangent et boivent "catho", ont des vacances "catho", mettent leurs enfants dans une école "catho" (puis "de commerce"), bien entendu votent "catho", bref des "cathos", quoi. Hélas pas grand chose de réellement religieux et spirituel là-dedans, mais beaucoup de sociologique voire d'identitaire, de tribal, de païen. Le risque est donc en effet d'être "catho" sans être chrétien, càd disciple du Christ.
______

Écrit par : PMalo / | 19/03/2014

ENCOMBREMENTS

> Parmi les dépouillements salutaires, il n'est pas exclu que nous soyons également appelés à interroger notre volonté de trouver la bonne manière d'agir, de faire, de croire ; notre désir de trouver "des solutions adaptées aux temps que nous vivons". Peut-être qu'au fond, il y a aussi dans cette quête quelques encombrements qui nous voilent l'essentiel.

GP


[ PP à GP - Quelques exemples ? ]

réponse au commentaire

Écrit par : Guillaume de Prémare / | 20/03/2014

CONVERSION ?

> à PMalo
Tout à fait. Ajoutons que cette nécessité pour le croyant de se convertir tous les jours a été soulignée diversement par tous les papes depuis Vatican II, et même avant en un autre langage ! Et par saint Paul, saint Augustin etc !
Coincer à l'idée de se convertir est un réflexe de la religiosité bourgeoise dont PP parle en réponse à un autre commentaire.
Si le catholicisme n'est pas une foi vivante et dérangeante en Dieu, si ce n'est qu'un système de bien-pensance (les "valeurs non négociables", expression ambiguë récusée par le pape François)... alors oui, en effet, pas besoin de conversion permanente, il suffit de se regarder dans la glace en disant "qui mieux que nous ?". En latin, de préférence.
______

Écrit par : le balp / | 20/03/2014

RELIGION ET MÉDIAS

> Merci à Xavier pour son commentaire et son témoignage que je rejoins pour également vivre dans un milieu non croyant.

Un point important à mes yeux qui est valable pour ce livre mais également pour la communication actuelle de l'Eglise, est la distorsion entre le fond (le message du livre) et la forme (ce qui est communiqué ou retenu par les gens).

Ce qui "arrive" (en terme d'informations) chez beaucoup de personnes non croyantes que je connais est que l'Eglise est justement en train de rompre avec la foi, le dogme, la morale, les questions éthiques par un discours presque exclusivement centré sur la pastorale et la miséricorde. L'Eglise cherche à courir derrière le monde moderne, à le rattraper.

Mes amis me disent actuellement que l'Eglise est en train de devenir une Eglise sans Dieu (sic), une association comme tant d'autres (à nouveau la distorsion entre le fond du message et sa communication). Accesoiremment cela les conforte dans leur démarche antérieure d'èloignement de l'Eglise, puisqu'ils n'ont, dans la plupart des cas, plus besoin de Dieu dans leur vie.

Je retrouve ce décalage dans ce livre et dans les débats qui tournent autour de celui-ci. Est-ce vraiment ce message que souhaite faire passer l'auteur?

Helmut


( PP à Helmut :
- Avez-vous vraiment lu ce livre ? Il ne contient pas du tout ce que vous dites.
- Vos amis devraient moins regarder la télé et faire attention à ce que dit l'Eglise, pape en tête.
- En matière religieuse, trop de cathos "s'informent" par les médias commerciaux, non par les actes de l'Eglise ! C'est une lourde faute de leur part, faite de paresse mentale et suivie de jugements présomptueux.
- Les médias ne connaissent rien aux religions, ne cherchent pas à les connaître, et se bornent à résumer-déformer ce qu'elles disent en le ramenant aux obsessions du petit monde médiatique. S'en remettre aux médias est inexcusable si l'on est catholique. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Helmut / | 20/03/2014

à Helmut

> "Changez d'amis, Lagaillarde !" (Charles de Gaulle).
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Écrit par : alain breza / | 20/03/2014

COMPRÉHENSION INTER-CATHOLIQUE

> Les quinze commentaires qui précèdent celui-ci (et le texte concernant Olivier Le Gendre qui en est l'occasion), jusqu'à la dernière réponse de PdeP, me paraissent d'un grand intérêt parce qu'ils forment une sorte de synthèse d'un vaste problème de compréhension inter-catholique, qui affecte toutes les discussions entre catholiques sur tous les sujets concernant la foi ou l'Eglise.
Notamment:
-parce qu'on n'écoute pas assez du fait, très souvent, qu'on a étiqueté l'interlocuteur en lui collant les défauts qu'on croit identifier dans telle chapelle.
-parce que, dès qu'il est fait référence à une quelconque information véhiculée par tel ou tel média, le premier défaut se mélange avec celui-ci: les catholiques font une confiance déraisonnable aux médias commerciaux, comme le dit PdeP.
-parce que ces deux défauts ne sont pas les seuls et s'ajoutent à d'autres.

Ainsi donc, je n'ai pas eu le livre d'Olivier Le Gendre que j'ai connu grâce à la présentation qui en est faite sur ce blog. Parmi les choses fort pertinentes que je trouve dans cette présentation, je retiens l'importance et l'influence négative d'un catholicisme embourgeoisé.
Cela me frappe parce que, venant du monde rural, j'ai eu bien des occasions de constater, ne serait-ce que par contraste avec ce que j'avais vécu, combien tout ce qui est lié à cet embourgeoisement est néfaste.
Embourgeoisement tellement néfaste que ceux qui le critiquent négativement, à juste titre, me paraissent pourtant trop souvent envahis par les défauts qu'ils dénoncent, et cultivent alors une tendance à identifier tout le catholicisme avec ledit embourgeoisement. On me dit qu'Olivier Le Gendre ne le fait pas, tant mieux.
Embourgeoisement tellement néfaste que l'on en oublie l'existence d'un catholicisme beaucoup plus paisible, notamment celui des paroisses rurales et de bien des paroisses urbaines où la bourgeoisie n'est pas majoritaire et où, d'une certaine manière ce qu'attend Olivier Le Gendre est soit en germe soit réalisé depuis longtemps, y compris parmi les membres de la bourgeoisie.

Mais, de ce catholicisme paisible, on ne s'en soucie guère parce qu'il est devenu sociologiquement très minoritaire dans un catholicisme qui, lui-même, l'est de plus en plus, et parce que ce catholicisme paisible a subi les assauts du catholicisme embourgeoisé lequel était en manque de public dans une époque de chute de la pratique, laquelle a aussi amené des regroupements pastoraux avec une disqualification des paisibles au bénéfice des bourgeois qui avaient le vent en poupe en se présentant comme les garants d'un "esprit du concile" fort bourgeois.

D'où, me semble-t-il, une difficulté importante pour comprendre Olivier Le Gendre: il vient d'un catholicisme embourgeoisé qu'il a rejeté et il espère des réformes dans l'Eglise OR le catholicisme embourgeoisé, très souvent à la pointe de "l'esprit du concile", est persuadé d'œuvrer pour des réformes tout en contestant ceci et cela dans l'Eglise...
Dès lors, pour ceux qui, comme moi, viennent d'ailleurs (monde rural ou qui sont entrés dans l'Eglise après une conversion) et ont un premier contact avec Olivier Le Gendre, il peut être assez difficile de voir dans quelle mesure son rejet de ceci ou de cela et ses appels à des réformes sont vraiment différents de ceux des catholiques embourgeoisés. Cela rejoint certaines ambiguïtés dans la transmission et la réception de ce qui est dit par le pape François, avec un enthousiasme des "bourgeois" qui entendent leurs revendications dans ce qu'il promeut alors que le pape promeut autre chose, et une grande perplexité de catholiques paisibles qui constatent que les dires du pape sont victimes d'une étrange OPA bourgeoise.

CJ


[ PP à CJ - Merci de votre éclairage. Je vous suggère de lire le livre de Le Gendre : il est beaucoup plus concret et "humain" que l'image - nécessairement trop brève - qu'en donne
ma synthèse... ]

réponse au commentaire

Écrit par : C.J. / | 20/03/2014

A PMalo ,

> Le problème avec le mot réforme est qu'il peut être appliqué à tous les niveaux . Au niveau supérieur de la religion catholique , il y a Jésus , les Evangiles , la Bible : à ce niveau-là , on ne va rien réformer. Or quand on écoute beaucoup de catholiques , on a l'impression qu'ils voudraient en quelque sorte biffer quelques passages des Evangiles ou de Saint-Paul pour être dans la modernité . A un niveau inférieur , càd dans le management de l'Eglise sur terre , on peut bien sûr espérer des aménagements allant dans le sens de l'esprit des Evangiles , c'est ce qu'on peut appeler des purifications de l'Eglise , mais on peut aussi appeler cela des réformes .
Le prédicateur dont je parlais dans mon commentaire plus haut parlait de réformes , comme supprimer ou changer des sacrements , notamment la confession ou le mariage ou l'eucharistie . Le mot réforme a dans certains pays un sens plus fort qu' en français.
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Écrit par : Jean Claude Kill / | 20/03/2014

D'ACCORD

> En effet, que de confusions trop vite faites, à tous les niveaux.
Toutes ces clarifications de part et d'autres sont les bienvenues.
Pour être un habitué de ces lieux, je sais ce que PP veut dire quand il emploie certains mots.
Pour être issu, par certains aspects, du même milieu qu'Olivier Le Gendre, et pour avoir vécu des choses similaires, je comprends trop bien son témoignage !
Pour vivre aujourd'hui dans un milieu rural avec des gens totalement déchristianisés, je suis en accord total avec ce qui se dit ici.
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Écrit par : PMalo / | 20/03/2014

PÉAN

> J'arrive après la bataille mais je m'étonne de lire que vous approuvez Olivier Le Pivain quand il cite Péan en référence sur le génocide des Tutsis au Rwanda !

Christine


[ PP à Christine - Je n'ai pas pensé à Péan, que je n'avais d'ailleurs pas lu, mais aux informations dont je disposais sur le Rwanda. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Christine / | 20/03/2014

à PP

> Je développe mes interrogations suite à ta question.
Nous cherchons à analyser une problématique et à y répondre par des "solutions", pour obtenir des résultats : "rendre l'Evangile de nouveau audible".
Mais je me questionne : ne devons-nous pas nous désencombrer de cette recherche de l'efficacité ? Ne nous voile-t-elle pas l'essentiel ? Quelle est la valeur de ces raisonnements ? Ils en ont une, assurément, mais cette valeur est-elle élevée du point de vue qui nous occupe vraiment, à savoir Dieu ?
Je me questionne là-dessus depuis une conversation que j'ai eue avec un ami prêtre. Je tenais mes raisonnements et, un peu comme ce qui est cité dans la note, je déclinais mes 4 ou 5 points. Il me dit : "Mais pourquoi cherchez-vous à obtenir un résultat ?" Je lui dis : "Mais enfin, nous devons évangéliser !" Il me rétorqua : "Ce ce serait déjà pas mal de devenir ce que nous sommes". Je n'ai pas bien compris mais ça m'a poursuivi pendant 15 jours. Plus tard, je lui ai demandé ce que voulait dire "devenir ce que nous sommes". Il m'a répondu : "C'est déployer dans nos vies concrètes le beau, le grand et le vrai que nous contemplons dans le Christ". Là encore, je n'ai pas saisi immédiatement comment cela pouvait se traduire.

Alors, j'ai médité ce terme "contempler" qui n'est pas très présent dans ma vie spirituelle. J'ai repensé à Josemaria qui disait "Nous sommes des contemplatifs dans le monde". Puis j'ai repensé à BXVI aux Bernardins nous racontant comment ces moines avaient cherché Dieu sans vouloir aucun résultat visible. Et ils ont répandu Dieu, et ils ont même créé une culture admirable qui allait imprégner la société et marquer l'histoire. Mais tout cela sans l'avoir cherché. D'une certaine manière, ils ont "déployé le beau, le grand et le vrai qu'ils contemplaient dans le Christ".

Depuis, je m'interroge sur les raisonnements tenus sur l'Eglise dans l'Eglise. Par exemple, je m'interroge sur ces analyses sociologiques et socio-historiques. Elles sont intéressantes dans leur champ - sociologique et socio-historique - mais quelle est leur valeur religieuse ? Peut-on en déduire des pistes pour réformer l'Eglise et/ou la manière d'être catholique ? Idem pour les analyses du monde moderne et la réponse qu'il faudrait apporter aux défis contemporains... Qu'en tirer profondément au plan religieux ?

A ce stade de mon cheminement, j'ai tendance à penser que la valeur de ces raisonnement est mineure au plan religieux. Et je ressens un besoin de m'en désencombrer car j'ai l'impression qu'elles me voilent à la fois Dieu et le sens profond de la religion.
Je ne dis pas que j'aie raison, j'expose mon expérience personnelle, forcément subjective, comme d'autres le font sur ce fil, qui est particulièrement riche et varié. Comme quoi Le Gendre interpelle...

GP


[ PP à GP :
- Pourquoi ne pas nous en tenir à ce dit le pape François - qui est radicalement simple ? Il ne doute pas de la nécessité du témoignage évangélique ! (tout autre chose qu'un "militantisme" prosélyte).
- Pourquoi le prêtre dont tu parles semble-t-il opposer vie personnelle et évangélisation ? C'est une seule et même chose. Essayer de vivre - et sans en faire étalage - "l'espérance qui est en nous", c'est le point de départ d'échanges avec qui voudrait savoir pourquoi ; voilà le témoignage en acte. (1 Pierre 3:15)..
- A moins évidemment que ce prêtre ne se méfie du prosélytisme : ce en quoi il aurait raison. Quant l'Eglise convertit, ce n'est pas par prosélytisme mais par attraction. Prosélytisme et évangélisation sont deux choses antinomiques. ]

réponse au commentaire

Écrit par : Guillaume de Prémare / | 20/03/2014

@ Guillaume,

> «Mais je me questionne : ne devons-nous pas nous désencombrer de cette recherche de l'efficacité?», écrivez-vous.
Je suis sensible à ce que vous écrivez et partage votre méfiance à l'égard du productivisme évangélisateur.
Cette recherche éperdue de l'efficacité, de la solution aux effets immédiatement tangibles, de résultats probants, observables, et «scientifiquement calculables», est directement issue de l'univers technique. Et je crois donc que c'est explicitement sur ce terrain qu'il s'agit de poser le problème que vous soulevez.
«Technique» entendu au sens le plus global, systémique du terme, donc bien au-delà du seul aspect «machines» : l'ensemble des processus et rouages qui visent une efficacité toujours accrue, dont par exemple les rouages bureaucratiques, commerciaux ou managériaux; mais rouages étendus aujourd'hui jusque sur le plan symbolique du langage, autre nom des «techniques de communication», et/donc, (catastrophe spirituelle par dessus toutes) jusqu'aux «techniques d'évangélisation», ce poison dernier.
Ce goût abject d'évangélisation à la sauce managériale... Propre, nette, consensuelle et souriante. «Qu'est-ce que l'entreprise peut apporter à l'Eglise en matière d'évangélisation ?» s'interrogeait-on aux entretiens de Valpré.
La caractéristique première de la technique, y compris donc des «techniques d'évangélisation», c'est l'efficacité toujours plus grande. Le primat de l'efficacité, c'est le primat des moyens sur les fins. Les moyens techniques, c'est la stratégie diabolique d'évacuation des fins en Dieu.
On recours toujours aux «techniques d'évangélisation» en se racontant des histoires et en voulant bien présupposer une prétendue «neutralité» de la technique, toujours sous-couvert de bons sentiments, oui effectivement par exemple au nom de l'impératif de «rendre l'Evangile de nouveau audible», comme on dit.
La formation des prêtres aux techniques de communication? Pas de problème évidemment, il ne s'agit là que d'acquérir des «outils», nous dit-on avec le ton rassurant qui camoufle une démission et pour tout dire un reniement.
Oui, un reniement. Les techniques d'évangélisation, comme toute technique, c'est la recherche de l'efficacité DONC d'un pouvoir.
Or l'efficacité est radicalement contraire à la Vie en Dieu, fondée sur le don gratuit, l'accueil de ce don désarmant, sur lequel nous n'avons aucune maîtrise, précisément aucun pouvoir.
Dans un passage de son livre époustouflant «Théologie et Technique» (à lire d'urgence, Labor et Fidès), Jacques Ellul y décrit le jardin d'Eden d'avant la chute; c'est le monde de la communion et de l'harmonie universelle en Dieu, où les relations entre toutes les créatures ne sont guidées que par le divin esprit du don pur et gratuit. Dans ce monde de l'humilité et de l'amour trinitaire, la notion de technique n'y a aucune place : «Que peut bien vouloir dire une recherche d'efficacité dans un monde de communion et de gratuité? L'efficacité, le plus, la propriété, la réserve, ce sont des notions liées à la Technique, mais sans aucune signification par rapport à l'Eden», écrit-il, avant de poursuivre en établissant un lien intrinsèque entre La Chute, le morcellement de la Création, l'esprit de domination et la technique...
...et en matière d'évangélisation, ça donne par exemple ceci :
http://www.topchretien.com/topmessages/view/572/quelle-eglise-voulonsnous-610-une-bonne-strategie-devangelisation.html
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Écrit par : Serge Lellouche / | 21/03/2014

A Serge

> Bingo ! Vous exprimez ce que je n'arrivais pas à formuler : "Or l'efficacité est radicalement contraire à la Vie en Dieu, fondée sur le don gratuit, l'accueil de ce don désarmant, sur lequel nous n'avons aucune maîtrise, précisément aucun pouvoir."
Il y a encore peu, j'acceptais facilement l'idée de "rendre l'Evangile de nouveau audible", mais il s'est passé quelque chose et je n'arrive plus à entrer dans ce raisonnement, et même je le repousse en me disant : et Dieu dans tout ça ?
J'ai l'impression d'étouffer un peu sous l'efficacité du discours ecclésial contemporain et je cherche de l'air frais en me disant : qui me montrera Dieu ? Qui me montrera sa beauté, sa bonté, sa grandeur, sa vérité ?
Il y a une sorte de bouleversement intérieur.
Voilà, je ne dis pas que j'ai raison, je dis ce que je vis intérieurement...

NB : Quant au lien direct que vous faites avec "l'univers technique", il me semble vraiment pertinent. Nous sommes les fruits de notre époque. Il nous reste peut-être à devenir les fruits du bon Dieu...
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 22/03/2014

JE NE VOIS PAS

> à G de Premare - C'est le pape François qui appelle à rendre l'Evangile accessible à tous, on ne va pas lui donner tort ? et cela ne veut pas dire "recourir à des techniques", absolument pas, mais essayer de vivre selon l'Evangile pour en donner un témoignage digne de ce nom. Seriez-vous contre cela, je ne peux pas le croire.
Jésus nous demande de témoigner de lui, c'est à dire évangéliser. Si vous ne me croyez pas, vérifiez dans l'évangile.
Je ne vois pas pourquoi compliquer les choses, se dérober, et dans quel but.
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Écrit par : jeanmi / | 22/03/2014

A jeanmi

> Je ne pense pas que mes interrogations soient en contradiction avec le pape François. En fait, c'est une réflexion sur le primat de Dieu.
J'essaie de reprendre de manière peut-être moins brouillonne :
- Un aspect qui me semble marquer la perspective religieuse contemporaine, c'est d'analyser le monde, d'identifier des problématiques et d'y répondre en vue d'un résultat : l'évangélisation.
- La question que je me pose est : est-ce de première importance de répondre à des problématiques ?
- Ce que j'interroge ici, ce n'est pas le fait de déployer l'Evangile dans le monde, ce sont nos raisonnements sur l'évangélisation, nos recherches de solutions.
- Et ce que je mets en quelque sorte en balance avec la perspective "efficace", c'est le primat de la recherche de Dieu, le primat de Dieu et de sa grâce. Ce que Dieu donne est d'une toute autre portée que ce que donnent nos raisonnements.
Cherchons-nous vraiment Dieu de toute notre âme quand nous cherchons des "solutions" ?

Un exemple concret, que je tire d'une conversation récente avec un curé de paroisse. Il m'a raconté cette anecdote précisément pour illustrer l'interrogation que je lui soumettais.
Il participait à une réunion avec des confrères du diocèse et ceux-ci s'interrogeaient sur la manière de rendre la liturgie plus attractive.
La discussion allait bon train quand ce prêtre a dit : "Et si on pensait à Dieu ? Pourquoi ne se demande-t-on pas ce que veut Dieu ? Après tout, la liturgie est d'abord pour Dieu !"
Son cri du cœur a jeté un froid et n'a pas été compris par ses confrères.
Ses confrères cherchaient à répondre à une "problématique" (la baisse de la pratique) en trouvant des "solutions" (l'attractivité de la liturgie) ; alors que ce prêtre voulait simplement dire la messe "gratuitement" pour Dieu. Il a simplement affirmé le primat de Dieu et cette affirmation a presque fait scandale.
Peut-être que ce prêtre qui a soif de Dieu veut tout simplement, comme dit Serge, offrir "la vie en Dieu, fondée sur le don gratuit, l'accueil de ce don désarmant, sur lequel nous n'avons aucune maîtrise, précisément aucun pouvoir".
Je trouve cette formulation de Serge admirable parce qu'elle exprime un dépouillement radical, un abandon de toute prétention, une pauvreté de l'âme qui n'attend pas tant de ses propres raisonnements mais tout de Dieu.
Il y a ici aussi peut-être une piste pour une "Église pauvre" qui dise la beauté, la bonté, la grandeur et la vérité de Dieu sans autre dessein principal que Dieu lui-même (cf. BXVI aux Bernardins).
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Écrit par : Guillaume de Prémare / | 22/03/2014

G de premare

> je continue à ne pas comprendre pourquoi vous opposez des choses compliquées et démoralisantes à ce qui est dit clairement et toniquement par le pape François. Vous savez,
on n'en n'est plus à ces complications d'autrefois.
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Écrit par : jeanmi / | 22/03/2014

@ Serge Lellouche

> Vous n'avez rien compris à la strat' d'évangélisation parce que vous voulez targetter un public de losers en adoptant une approche beaucoup trop top->down pleines de considérations out of the blue. Nos contemporains sont des winners qui n'ont pas besoin d'être bullsheetés avec des propos de type wishfull thinking. Il faut partir du terrain dans une démarche marketing bottom->up, la, vous aurez des résultats outstanding!
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Écrit par : Pierre Huet / | 23/03/2014

@ Serge et P. Huet

> Il faudrait absolument qu'on upgrade tout ça en B to B.
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Écrit par : Feld / | 23/03/2014

Pierre,

> Malgré vos efforts louables, je constate avec dépit que vous cédez encore aux archaïsmes de l'évangélisation à plus de 140 caractères.
Quel obscurantisme moyenâgeux ! Vous n'êtes pas prêt à la révolution missionnaire du Tweet for Jesus ;-)
______

Écrit par : Serge Lellouche / | 23/03/2014

MERCATIQUE

> Je vous supporte complètement dans votre démarche mercatique pour solutionner les problématiques d'évangélisation de nouveaux segments !
Je propose un petit benchmark : comment fait la concurrence ? Et un brainstorming afin de dégager de nouvelles perspectives en termes d'attractivité du produit : soyons pragmatiques, il faut partir des désirs du consommateur si l'on veut enfin être performeurs et redevenir leaders.
J'en parle à mon n+1, et je programme une réunion asap.
______

Écrit par : PMalo / | 23/03/2014

RIEN DE CE GENRE

> c'est bien distrayant vos histoires de mercatique etc, mais je ne vois rien de ce genre dans notre Eglise. (Dns les megachurches US peut-être mais pas ici).
Il y a plus urgent à dénoncer que les idées d'évangélisation ! même dans une sauce qui vous déplait.
La déviation-enlisement du catholicisme vers la droite libérale est bien plus perverse (idolâtre) que les désirs spirituels évangélisateurs même maladroits.
La droite libérale se fiche pas mal d'évangéliser, son truc c'est "combattre la dictature socialiste". Er la droite extrême n'est pas plus évangélisatrice ni chrétienne dans son genre.
______

Écrit par : Yves / | 23/03/2014

St PAUL

> " Malheur à moi si je n’évangélise pas ! » (Première lettre aux Corinthiens 9, 1-23).
Faut-il accuser saint Paul d'idéologie managériale ?
Refuser l'évangélisation mais se réclamer de l'évangile : drôle de position.
______

Écrit par : alain breza / | 23/03/2014

@ Yves,

> Pas besoin de s'étendre : où avez-vous lu dans ce fil de discussion la moindre mise en cause de l'évangélisation?
______

Écrit par : Serge Lellouche / | 23/03/2014

Chers, très chers Guilllaume et Serge,

> comme je vous rejoins dans cette aspiration au renoncement joyeux de tout pouvoir et tout calcul, en particulier de ma raison raisonneuse, pour m'abandonner obscurément en Dieu! Il n'est pas besoin de comprendre pour aimer, mais c'est dans la nuit totale de l'intelligence que celle-ci, en particuliers la nôtre occidentale, peut espérer enfin guérir de sa tumeur d'orgueil qui la gonfle à nous faire basculer pieds par-dessus tête et assommer contre le sol, pieds battants ridiculement l'air: pauvres enfants de Descartes à la silhouette débile de martiens! Vide-nous de nous-mêmes et de nos prétentions, que nous soyons outre neuves pour le vin nouveau! Nuit obscure des épousailles, nuit de feu.
Evangéliser? Oh que oui! Devenir évangiliaire pour mes frères, enluminure d'or et de feu, icône de la Lumière: que chacune de mes cellules se transmute en hostie vivante, (quand bien-même je ne peux plus recevoir la communion eucharistique), que se réalise en moi la divino-humanité du Christ, que le néant de mon être se fasse faim démesurée de Dieu, qu'Il puisse s'y abaisser tout entier! Tout le reste est superfétatoire. Dieu seul suffit. C'est Ste Thérèse d'Avila qui nous le dit.
______

Écrit par : Anne Josnin / | 23/03/2014

EVANGÉLISATION

> Pourquoi chercher midi à 14 heures avec un bazar de problèmes ?
"Fais-nous manifester par toute notre vie ce que le sacrement vient d'accomplir en nous" (prière de la messe d'hier). Voilà l'évangélisation.
______

Écrit par : g.guillemot / | 24/03/2014

@ g. guillemot

> Pourquoi chercher midi à 14 heures avec un bazar de problèmes ?

Parce que nous sommes français.
______

Écrit par : Feld / | 24/03/2014

ARTE

> Sur Arte ce soir, sévère mise en cause de l'Eglise à propos du désastre rwandais. Après avoir instauré un système raciste au profit des Batutsi, via sa toute puissance dans l'enseignement, elle aurait viré "à gauche" à la fin des année 50, attisant l'esprit de revanche révolutionnaire.
Que comprendre?

PH


[ PP à PH
- Bien des choses...
- Entre autres : la faillibilité du clergé durant la période coloniale, tiraillé entre le réalisme de l'Evangile et les présupposés idéologiques (successifs voire contradictoires) de l'Europe.
- Mais aussi : la partialité idéologique du "politically correct"" actuel, qui ne veut voir qu'un seul facteur : les responsabilités prêtées à l'Eglise (et très exagérées par ses ennemis) en niant tous les autres : notamment la réalité des données ethniques en Afrique... Etc.
- Quant à Arte, cette chaîne mi-allemande ferait bien de se pencher sur ce que fit l'Allemagne wilhelmienne en Afrique. Notamment dans la région concernée. ]

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Écrit par : Pierre Huet / | 08/04/2014

MERCI

> J'ai lu ce livre et aussi les précédents notamment "Confession d'un cardinal" et "L'Espérance du cardinal" Edition J.C. Lattès.
Monsieur Le Gendre,
Le témoignage de votre "credo", ancré dans l’Evangile, voudrai aussi être le mien.
Je perçois dans vos livres un fil d'or qui m’amène à une profession de Foi incarnée tout autre que par le passé.
Merci de vous être livré aux lecteurs dans votre grande humanité qui ne cache pas sa faiblesse ! C'est une grande leçon de Courage que j'écris en majuscule puisqu'il suppose intégrité dans le Vrai, le Bon et le Beau qui nous mène au cœur de Dieu et nous fait découvrir Sa tendresse et miséricorde pour tous Ses enfants.
Merci pour « le principe de Poo » qui sera « le Chemin » des petits gens comme moi et d’autres qui se relève chaque jour au présent de la Vie qui est "présent" et "cadeau".
Avec ma gratitude et le souhait que votre Courage et Sa Tendresse vous soutiennent dans les moments difficiles de l’existence.
De tout cœur MERCI !!!
Puis-je vous demander de transmettre à M. Le Gendre, SVP ? Merci d’avance !
______

Écrit par : Renata Patti / | 29/05/2014

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