« L’Evangile selon Judas » : le 22 mars, Super Bidon !

C'est un roman, écrit par un grand bidonneur,  mais présenté d'avance comme  "posant des questions dérangeantes pour l'Eglise" :

 

 

Archer est « un écrivain britannique dont les romans policiers se vendent comme des petits pains ». Ca, c’est ce qu’écrivent ceux qui ne sont pas au courant.

Les autres savent qu’avant de devenir faiseur de best-sellers, Jeffrey Howard Archer, 67 ans, a été conseiller régional londonien, député tory aux Communes (à 29 ans) et spéculateur de haut vol, ce qui devait le conduire d’abord à la fortune, puis au bord de la banqueroute en 1974 lors du retentissant scandale Aquablast. Comment se refaire ? En vendant du best-seller, lui expliquèrent des industriels de l'édition.

Archer se reconvertit donc en auteur de paperbacks, c’est-à-dire de romans de gare et d’aéroport. Il redevient alors millionnaire. Il s’achète un manoir du XVII^e siècle. Margaret Thatcher apprécie ce romancier à succès ; elle en fait l’un des leaders du parti tory en 1985. En 1987, Archer poursuit en justice le Daily Star qui l’accuse de relations sexuelles avec la call-girl Monica Coghlan. Le juge prend parti pour le romancier-politicien et prononce, en pleine audience, un discours extravagant sur la grâce et les attraits de Mme Archer : « Ayant vu cette femme, dites-moi si son époux a besoin d’un rapport sexuel froid, sans amour et sous latex, dans une chambre d’hôtel, à l’heure du déjeuner, un mardi matin ? »  Archer gagne le procès et reçoit 500 000 livres de dommages-intérêts ; le directeur du Star est licencié par son propriétaire, lord Stevens.

En 1992, Archer est fait baron par John Major. Le voilà « pair à vie » (lord de seconde classe) !

En 1994, il est soupçonné de délit d’initié dans l'affaire MAI - Anglia TV.  

En 1999, le parti conservateur l'investit comme candidat à la mairie de Londres. 

Quelques semaines plus tard, scandale : on découvre que, tous comptes faits, Archer avait commis un faux serment et utilisé un faux alibi dans le procès de 1987 contre le Star.

Le parti lui retire son investiture, puis l’expulse « pour cinq ans ». 

Le 30 mai 2001, Archer comparaît pour entrave à la justice. (Il en profite pour jouer au théâtre tous les soirs une pièce écrite par lui, dans laquelle il tient le rôle d'un inculpé).

Le 19 juillet, il est condamné à quatre ans fermes.

Il rembourse au Daily Star les 500 000 livres, plus 1 million de livres en dommages-intérêts ; le club de cricket de Marylebone le suspend en raison de son casier judiciaire. 

Le 21 juillet 2003, Archer est remis en liberté pour bonne conduite. Le 17 septembre 2005, au cours d’une manifestation caritative à Manchester, il reçoit du porridge froid en pleine figure, au cri de « Monica ».

Jeffrey Archer a fini par renoncer à la politique. « Je me consacre entièrement à mes livres », déclarait-il en 2006. Il a raison : ses livres font un malheur en librairie. (Même si, selon Private eye, ils ne sont pas sans devoir quelque chose à un travail d’équipe).*

Et voilà : Archer, au mois de mars, publie un nouveau livre.

Sur quel thème, à votre avis ?

Vous avez gagné : ce sera l’Evangile de Judas – le roman.

Pourquoi un tel sujet, traité par un homme comme lui ?

En raison de l’énorme bruit fabriqué en 2006 autour de l’Evangile de Judas (le papyrus antique). Le bruit était factice, puisque ce papyrus n’a pas grand intérêt. Mais il y a eu du bruit...  Archer a donc sauté dessus.

Devinant que son irruption dans le domaine de l’archéologie religieuse risquait de déclencher un tonnerre d’éclats de rires, il a pris un otage : le respectable théologien catholique australien Francis Moloney, « auteur de près de quarante livres ». A en croire Archer (mais ça ressemble aux histoires de Dan Brown), Moloney lui aurait été indiqué par… le cardinal Martini, lors d’une rencontre au Vatican ! C'est sous le contrôle du savant Moloney qu'Archer aurait fabriqué  ce petit bouquin - très bref : « C'est un évangile », dit-il.

Et déjà se met en place le battage médiatique. Allez voir sur le Web :  les  notes  sur  le Judas de Jeffrey Archer prennent  d'avance ce  livre au  sérieux.  Cautionné par les précédents livres sur le papyrus Judas (bidon), voici donc le roman Judas (super-bidon) !  Personne ne sait pourquoi Judas aurait tellement d’importance pour les chrétiens ;  en fait il n’en a aucune.   N'empêche...  Dans les débats et les conférences, ou autour des rayons de librairie, les gens prendront un air entendu : « C’est vrai que l’Eglise a toujours caché la vérité ! On le savait depuis Da Vinci Code, et maintenant c’est un lord anglais qui le dit ».

P.P.

 

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(*) Archer écrivain, résumé par un universitaire français : "Ancien athlète passé de la politique à l'écriture, Jeffrey Archer est l'auteur de best-sellers, romans de gare ou d'aéroport, qui font de lui l'écrivain le mieux payé du monde. La nouvelle One Man's Meat tirée du recueil Twelve Red Herrings, illustre son souci premier, gagner de l'argent en s'appuyant sur les recettes du best-seller. Ici, art et message passent au second plan. Tout est fait pour attirer le plus large public en lui donnant, par exemple, la liberté de choisir son propre menu ("meat") et en mettant à sa disposition quatre conclusions alternatives susceptibles de satisfaire tous les goûts (des féministes aux tenants de la "political correctness"). On mesure ainsi la dérive de l'édition contemporaine mondialisée, réduite à une production de masse fondée sur le marketing le plus mercantile. Ici disparaît la Littérature, et la grande cuisine des chefs d'oeuvre est supplantée par des produits de masse light et les fast foods d'anecdotes pauvres et banales."