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Le vrai visage du libéralisme [4]

Une lecture de Michéa, dernière partie :

- L'inconscient des sociétés modernes : Le socialisme « conservateur » de Georges Orwell part de la nécessité de reconnaître des valeurs morales (common decency) de l'homme ordinaire, en opposition résolue au pessimisme moral des Modernes. Ce refus constant de noyer l' « homme ordinaire » dans les eaux glacées du calcul égoïste lui permet d'entreprendre une critique parallèle du libéralisme et du totalitarisme, ces deux idéologies rivales qui s'appuient sur une même vision négative de l'homme. Le postulat de l'homme égoïste par nature ne peut en effet aboutir qu'à deux solutions cohérentes : soit l'acceptation des hommes « tels qu'ils sont », par laquelle s'édifie l'empire du moindre mal, soit l'empire du bien, l'utopie du monde parfait, subordonné à la fabrication d'un homme nouveau.

L'idée orwellienne d'une société décente s'enracine dans une compréhension de l'homme infiniment plus nuancée et s'appuie sur des possibilités morales déjà existantes, qu'il s'agit de radicaliser, d'intérioriser et d'universaliser. Mais cette définition orwellienne du socialisme invite aussi à en préciser la dimension «anarchiste». Orwell a en effet toujours considéré le désir de pouvoir comme l'obstacle psychologique majeur au développement d'une société décente. Ce point décisif doit être explicité, car il met en lumière certains aspects fondamentaux de l'inconscient des sociétés modernes.

Stendhal reconnaissait à Fourier le mérite d'avoir prononcé ce grand mot : Association ; mais il soulignait aussi que les socialistes, par excès d'optimisme, avaient systématiquement oublié que la volonté de puissance qui caractérise certains individus conduirait toujours à l'échec les entreprises politiques les mieux intentionnées. Stendhal soulève ici la question anarchiste par excellence. Donnons acte aux anarchistes de leur lucidité philosophique fondamentale sur cette question qui, il est vrai, ne soulève habituellement qu'un enthousiasme limité parmi les critiques modernes de la société libérale. D'un côté, nous savons que rien n'autorise à inscrire le désir de pouvoir dans la nature humaine elle-même, mais de l'autre, on doit bien admettre qu'un tel désir possède une certaine universalité.

Il n'y a qu'une façon de résoudre cette contradiction apparente : distinguer philosophiquement l'égoïsme de l'adulte de celui de l'enfant. La psychanalyse, par ses approches du narcissisme, a montré que le désir de toute-puissance constitue l'une des premières figures du devenir individuel. Si l'éducation a un sens, c'est précisément d'offrir à l'enfant les moyens de dépasser cet égocentrisme initial et d'acquérir ce sens des autres qui représente le signe et la condition de toute autonomie véritable, lui permettant d'entrer à son tour dans les chaînes socialisantes du don et de la réciprocité.

Sous ce rapport, les pathologies de l'ego sont l'effet d'une dépendance non résolue à des histoires d'enfance, conduisant à envisager sa vie comme l'occasion d'une revanche personnelle. La volonté de puissance est une passion triste et d'un point de vue anarchiste, les classes dominantes sont d'abord à plaindre. L'importance traditionnelle accordée par les anarchistes à l'éducation des individus n'a donc rien qui doive étonner, et le refoulement de ces questions fondamentales est à l'origine de toutes les mésaventures du mouvement révolutionnaire. A cet égard, l'anarchisme apparaît moins comme un courant politique parmi d'autres que comme une propédeutique morale à toute révolution possible.

Il reste à dissiper un mystère, par lequel on constate que l'immense travail de la tradition anarchiste sur ces questions des racines individuelles du désir de pouvoir, s'est pourtant souvent arrêté à mi-chemin :depuis le XIXème siècle, toutes les formes « patriarcales » de la domination ont été abondamment décrites, au point de devenir un lieu commun de la critique sociale et des genders studies. On ne saurait en dire autant de ces formes d'assujettissement et de manipulation d'autrui, trouvant leur modèle inconscient dans l'emprise maternelle. Un tel « oubli » est particulièrement étrange : c'est en effet au moment précis où la dynamique des sociétés modernes commençait à saper le fondement culturel des anciens montages patriarcaux (en discréditant, au profit des mécanismes du Droit et du Marché, toutes références à une loi symbolique), que l'attention de la critique sociale en est venue à se focaliser de façon presque exclusive sur cette seule modalité patriarcale de la domination.

Ce qui rend ce mystère moderne plus épais encore, c'est le déni évident qu'il implique. Slavoj Zizek rappelle que «le reflux de l'autorité patriarcale traditionnelle (la loi symbolique) s'accompagne de son double inquiétant, le Surmoi » , dont les injonctions ordonnent la jouissance. Là où le détournement « patriarcal » de l'autorité paternelle ordonne essentiellement l'obéissance du sujet à la loi que le « père » tyrannique prétend incarner, le désir de puissance « matriarcale » se présente sous des formes très différentes et bien plus étouffantes, fonctionnant d'abord à la culpabilisation et au chantage affectif, sur les modes déclinables de la plainte, du reproche et de l'accusation, et exigeant que le sujet cède sur son désir et adhère de tout son être à la soumission demandée.

Alors que l'ordre disciplinaire est toujours, par définition, frontal, le contrôle «matriarcal» exercé sur un sujet «pour son bien» et au nom de l'«amour» qu'on lui voue, fonctionne de façon beaucoup plus enveloppante et insidieuse.

De là une conséquence politique fondamentale quant à l'analyse des sociétés modernes. Les formes d'emprise «matriarcales» (où bien des hommes sont désormais passés maîtres), sont incomparablement plus difficiles à percevoir et à nommer comme telles que sous le mode «patriarcal». Il est ainsi inévitable que la main visible de la domination patriarcale finisse par laisser dans l'ombre la main invisible de la domination matriarcale. C'est dans cette différence majeure qu'il faut chercher les raisons ultimes du refoulement politique immémorial de l'empire des mères (François Vigouroux).

Ces remarques permettent de soulever une partie du voile idéologique qui dissimule le continent noir des sociétés modernes. La logique libérale implique objectivement la destitution de tous les montages normatifs construits en référence explicite à une loi symbolique. Telle semble bien être en dernière instance, la base anthropologique inconsciente de cette civilisation régressive du «Progrès», que Christopher Lasch a reconnu comme la civilisation du narcissisme.

 

- De l'empire du moindre mal au meilleur des mondes : Le libéral se voulait donc au départ, un homme réaliste et sans illusions, empiriste et modéré, que ce soit sur le mode cynique d'un Mandeville, mélancolique d'un Constant ou sceptique et souriant d'un Hume. Loin des fanatismes religieux et des rêveries utopiques, de la Cité de Dieu ou de la Cité du soleil, la société raisonnable qu'il appelait de ses vœux se présentait au contraire comme la moins mauvaise société possible.

D'où vient alors le climat manifestement si différent dans lequel se manifeste le libéralisme contemporain ? Loin des paisibles Lumières libérales, quelque chose d'essentiel a changé. L'empire du moindre mal entend désormais être adoré comme le Meilleur des mondes. Mais cette ultime métamorphose est-t-elle si surprenante ? Pour deux raisons, non.

D'abord, le pessimisme libéral a toujours concerné la seule capacité des hommes à agir décemment, mais ne portait pas sur leur aptitude à se rendre « maîtres et possesseurs de la nature » par leur travail et leur ingéniosité technique. Cet élément a permis de justifier le culte religieux de la Croissance et du Progrès matériel, au principe de la civilisation moderne.

La seconde raison est plus complexe. L'anthropologie libérale est en effet marquée depuis l'origine par cette curieuse contradiction : d'un côté elle proclame que l'homme est par nature uniquement soucieux de son intérêt individuel, mais de l'autre, l'expérience enseigne aux gouvernements libéraux qu'il faut constamment inciter les hommes à changer radicalement leurs habitudes et leurs mentalités pour pouvoir s'adapter au monde que leur politique travaille à mettre en place. Autrement dit, toute politique libérale doit en permanence s'employer à contraindre les individus à se comporter dans la réalité quotidienne comme ils sont déjà supposés le faire par nature et spontanément. Il est donc inévitable que la logique libérale finisse par réactiver sous la forme qui lui correspond le projet utopique de l'homme nouveau, et que la fuite en avant (et son cortège de catastrophes et de régressions humaines) soit le seul mode possible de résolution de cette contradiction. L'« optimisme technologique » apparaît alors comme le pendant lyrique du pessimisme moral des libéraux, ce qui permet à Francis Fukuyama d'annoncer triomphalement et dans une optique intégralement matérialiste que «nous sommes à la veille de nouvelles découvertes scientifiques qui, par leur essence même, aboliront l'humanité en tant que telle (…) Alors commencera une nouvelle histoire, au-delà de l'humain.»

Le nouvel ordre humain que les élites libérales sont désormais déterminées à imposer par le dressage juridique et marchand, exige que les hommes cessent précisément de « se sentir hommes » et se résignent enfin à devenir de pauvres monades égoïstes. Le triomphe universel du capitalisme, la disparition de l'humanité (dans le sens de Fukuyama), parallèle à celle de la nature, sont devenus éminemment possibles.

Mais s'il advenait que l'humanité perde son dernier combat dans le monde dévasté du libéralisme victorieux, il resterait encore une vérité ineffaçable. La richesse suprême, pour un être humain a toujours été l'accord avec soi-même. C'est un luxe que tous ceux qui consacrent leur bref passage sur terre à dominer et exploiter leurs semblables ne connaîtront jamais. Quand bien même l'avenir leur appartiendrait.


Serge Lellouche

 

 

 

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Les catholiques, le débat politique et la dérive ”identitaire”

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Résumé de mon intervention d'hier à une table ronde catholique

sur la dérive identitaire et la présidentielle :

 

 

Le climat entre les milieux politico-médiatiques français et l'Eglise catholique s'est détendu en 2016. Dans le contexte paradoxal des drames terroristes et de la crise du politique, les milieux officiels ont découvert que l'Eglise donnait la priorité non à ses propres soucis, mais au bien commun... Cependant cette découverte reste parasitée par la dérive de groupes privés qui se posent en "défenseurs de l'identité catholique" et pullulent dans la blogosphère : "catholicisme" du virtuel, souvent en désaccord avec l'enseignement de l'Eglise réelle.  Ce phénomène n'est que la version "catho" [*] d'un phénomène plus large, dont l'origine est ailleurs que dans le catholicisme.

1. Qu'est-ce que "l'identitaire" ? Ce n'est pas le fait d'assumer une identité. L'identitarisme est une idéologie politique partisane, qui se substitue - sous forme de fantasmes - aux véritables identités enracinées. Il peut s'appliquer au national, au régional, au culturel, au religieux. Mais il n'apparait que là où existe une impression (vraie ou fausse) de perte  d'une identité réelle, quelle qu'elle soit.

Explication :  la société occidentale actuelle, en proie à l'émiettement hyper-individualiste sous la pression de forces économiques, fabrique massivement cette impression de perte des identités enracinées. Cela dans tous les domaines... Comme dit Michéa dans son dernier livre : "Le primat structurel d'un idéal purement calculateur ou gestionnaire sur toute forme de réflexion morale, philosophique ou religieuse, constitue l'un des traits les plus caractéristiques de la société libérale moderne."

L'identitarisme se présente alors comme le moyen (prétendu) de ressusciter les identités, quelles qu'elles soient.

Mais c'est un ersatz : un substitut, un détournement au profit d'opérations plus ou moins politiques ; une caricature très déformée ; et surtout, le produit d'idéologies sans rapport avec l'identité en question. Exemple : les mouvements politiques identitaires se présentant comme "patriotes" français alors que leur idéologie est ethniciste : ce sont simplement des suprémacistes blancs, très inspirés de ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis ; et c'est une posture radicalement étrangère à l'histoire intellectuelle de la France. Notons que là où des valeurs d'identité enracinées sont toujours vivantes et fortes, l'ersatz identitaire n'existe presque pas : ainsi, sur le plan régional, en Bretagne, en  Corse ou au Pays basque.

Autre exemple, sur le plan religieux : les courants identitaires qui se disent catholiques mais rejettent le Magistère réel de l'Eglise... La version catholique de l'identitarisme apparaît là où un milieu se croit en charge d'incarner "le vrai catholicisme" - parce que ce milieu virtuel a coupé le contact avec l'Eglise réelle.

De quelle façon a-t-il coupé le contact ? En ne prenant pas au sérieux ce que l'Eglise réelle dit et fait. Voire en accusant l'Eglise réelle de ne pas dire et faire ce qu'elle devrait... (selon eux elle devrait aller dans le sens de leurs opinions, qui vont du libéral-conservatisme à l'extrémisme de droite). Le catholique identitaire du virtuel ne lit pas souvent les textes de l'Eglise réelle, mais écoute volontiers ceux qui les interprètent en les déformant. Il est lui-même victime du dessèchement spirituel occidental, mais n'en identifie pas les vraies causes économiques et sociales : il préfère accuser l'Eglise.

D'où une surenchère permanente sur les réseaux sociaux : surenchère qui ne cesse d'approfondir cette auto-désinformation. On sait que les algorithmes de Facebook, par exemple, fonctionnent en branchant les uns aux autres des "amis" censés se ressembler par leurs goûts et leurs centres d'intérêt : d'où une ghettoïsation numérique de gens qui surenchérissent indéfiniment sur les mêmes thèmes. Ainsi se crée une cathosphère artificielle, qui : a) fait écran entre l'Eglise réelle et l'opinion publique ; b) enferme les cathos identitaires dans une sorte de palais des miroirs.

Quelle sorte d'imagerie renvoient ces miroirs ?   L'identitaire étant un substitut à l'identité, ça introduit une contradiction dans tous les domaines : et spécialement dans le catholicisme. L'identitaire fonctionne en effet comme une mythologie passéiste : "Il existe des mythes de droite : le refus d'un certain nombre de réalités actuelles et l'exaltation d'un passé transfiguré" (Raymond Aron).  Or la foi au Christ est l'inverse d'un passéisme : à chaque époque, elle apporte des réponses nouvelles aux problèmes de société toujours inédits. Par exemple, aujourd'hui, l'écologie intégrale de Laudato Si' apporte une réponse actuelle aux problèmes (sans précédent) de la planète et de nos sociétés...  Mais un certain nombre de cathos français ne semblent pas en avoir conscience.

 

2.  Qu'est-ce qui brouille la lucidité ? Une angoisse diffuse devant un monde hostile. Le besoin de se rassurer avec une vision du monde simpliste et autoritaire. (Vision pas si différente, finalement, de celle des islamistes qu'ils croient combattre).

La peur, mauvaise conseillère, est à l'origine de toutes les dérives ; la dérive identitaire chez des catholiques les mène vers une religiosité servant de prétexte à autre chose que la foi :

- religiosité d'imagerie historicisante, donc vidée de l'essentiel ;

- religiosité faite pour sacraliser des opinions politiques et économiques, souvent en contradiction avec la doctrine sociale de l'Eglise ;

- opinions menant des identitaires chrétiens à pactiser avec des identitaires qui, eux, sont de la variété antichrétienne : celle qui prône un culte de l'obscur rebaptisé "populisme", irrationnel brutal menant à justifier n'importe quoi (des catholiques idolâtrant par exemple Trump ou Wilders) ;

-  psychiquement, l'identitarisme mène en effet à libérer l'obscur. Il s'agit toujours de rejeter un surmoi qui bridait les instincts : d'où, dans le cas de catholiques, une rupture inconsciente avec l'Evangile, qui, lui, appelle à autre chose. (Et l'Evangile devrait être tout autre chose qu'un surmoi : mais pour cela la foi devrait être adulte).

 

3.  Sur le plan du débat politique et des débats de société, quels sont les effets de la dérive  identitaire chez les catholiques ?

Le plus évident est le refus de toute mise en cause du système économique  : d'où rejet de la DSE réelle (et allergie à l'enseignement du pape François).

Ce problème pourtant essentiel – l'emprise du système économique sur tous les aspects de notre existence aujourd'hui - n'a pas d'importance aux yeux des identitaires. Il doit même être zappé, puisque sans rapport avec les seules choses qui comptent : exalter le passé et les instincts.

 Ainsi certains catholiques récusent les directives économiques et sociales de François : pape qui déplaît beaucoup aux identitaires... Au salon du livre chrétien de Dijon en décembre, l'un d'eux me dit : "Cette encyclique Laudato Si' a du mal à passer". Il ne l'avait pas lue. Ni d'ailleurs Caritas in Veritate ou Centesimus Annus !

Ceux qui sont allergiques au pape vous diront qu'on n'a pas à tenir compte du Magistère économique, écologique et social puisque "ce ne sont pas des dogmes"..Mais tout catholique devrait savoir que sa loyauté ne se limite pas aux dogmes : et que, oui, le Magistère a divers degrés d'autorité, mais qu'on n'en doit mépriser aucun.  La doctrine sociale de l'Eglise doit "inspirer la conduite des fidèles", souligne le Catéchisme (§ 2422), parce qu'elle est un enseignement de l'Eglise relevant de la théologie morale. C'est même une "partie essentielle du message chrétien », constate Jean-Paul II (Centesimus Annus) ! Dans l'exhortation Christifideles laici de 1988, ce même pape précise que la doctrine sociale de l'Eglise est là pour "former la conscience sociale" des laïcs à l'aide "de principes de réflexion, de critères de jugement et de directives pour l'action".

Les principes de Centesimus Annus, puis de Caritas in Veritate, puis de Laudato Si', sont les mêmes. Ainsi que les constats économiques et scientifiques : quand Laudato Si' fulmine contre le saccage de la planète, c'est dans le droit fil du message de saint Jean-Paul II du 1er janvier 1990. Quand François critique le productivisme consumériste et l'ultralibéralisme financier dans Laudato Si' ou Evangelii Gaudium (§ 53 s.), il ne fait qu'actualiser et renforcer la critique constante de l'Eglise envers le libéralisme ! Critique traditionnelle, d'ailleurs, puisqu'elle fut amorcée en 1891 par Léon XIII dans Rerum Novarum, qui renvoie dos à dos le collectivisme et le capitalisme libéral.

Conclusion 1 : l'identitarisme en milieu catholique est un problème dont on ne doit pas s'exagérer l'importance, mais qu'on ne peut pas non plus minimiser  - parce qu'il engage la foi des personnes concernées, et l'image des catholiques vis-à-vis des non-croyants qui sont l'écrasante majorité de la population.

Conclusion 2 : l'identité du chrétien, c'est le Christ. Exprimer cette identité dans le débat politique, c'est témoigner de ce que le Christ propose aux gens dans leurs responsabilités morales, donc aussi citoyennes. Et ça mène très loin d'une idolâtrie des forces obscures - même déguisées en "identité".

 

 

Résumé de mes deux autres interventions lors du débat :

 

►  Le problème identitaire n'est pas secondaire. Tant que les médias réduiront les questions religieuses à des questions identitaires, il sera difficile d'aider les non-croyants à découvrir ce qu'est réellement la foi catholique. Exemple : en janvier, LCI organise une table ronde sur le coming-out de Fillon ("gaulliste et chrétien") ; il y a quatre invités dont un musulman, une juive et deux catholiques dont moi. Je suis le seul à expliquer que l'allusion de Fillon au christianisme ne visait qu'à se disculper d'être anti-social ; les trois autres invités (dont l'autre catholique) font chorus pour proclamer - à tort - que Fillon a fait de l'identitarisme catho. "C'est très mal", disent les deux non-chrétiens. "C'est très bien", dit l'autre chrétien... Navrant : débat obstrué.

►  La dérive identitaire est une vieille tentation catholique. Après la mise à l'Index de l'Action française en 1926, Maritain dissèque le problème en deux textes remarquables : Pourquoi Rome a parlé et Une opinion sur Charles Maurras et le devoir des catholiques. Or ce qu'il met au jour dans le maurrassisme de 1926 (par rapport au christianisme catholique) s'applique presque intégralement à l'identitarisme de 2017... Dans les deux cas, un paganisme politique piège les "cathos" à coups d'images d'Epinal, en exploitant l'erreur d'un désir de "revanche" catholique dont la réaction politique serait la condition. [Or "le politique n'est pas l'instrument du Royaume de Dieu", souligne Joseph Ratzinger dans L'Europe, ses fondements : aujourd'hui et demain (Parole et Silence 2005), souligne le P. Matthieu Rougé].

La controverse entre laïcs catholiques est souvent - quoique pas toujours - nécessaire et salubre. Comme dit le passage du Lévitique (19 2,17-18) lu dimanche dans les paroisses : "Admoneste ton concitoyen, et tu ne porteras pas de faute pour lui..." [**]

 

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[*]  Comme dit le P. Rougé, "catho" est tribal alors que "catholique" désigne l'universel.

[**]  trad. Chouraqui. 

 

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